Sage précaution de l'archevêché ? Consigne insultante ? Question d'image à améliorer ? La consigne donnée à des prêtres d'une dizaine de paroisses de Montréal de ne jamais se retrouver seuls avec des enfants a fait réagir, jeudi.

« Je suis furieux et extrêmement déçu de mon évêque [Mgr Christian Lépine]. N'aurait-il pas pu au moins nous en parler à nous avant de lancer cela sur la place publique ? »

En après-midi, jeudi, Michel Gagnon, curé à l'église Sainte-Rose-de-Lima, à Laval, ne décolérait toujours pas. « Les cas de pédophilie qui sont sortis, c'est terrible, c'est certain, dit-il, mais aujourd'hui, il ne nous arrive à peu près jamais de nous trouver seuls avec des enfants. Ce sont des laïcs qui donnent des cours de catéchèse. Alors, après 46 ans de ministère, entendre mon évêque y aller de cette consigne, ça m'a insulté et démoralisé. »

Cette recommandation expliquée en entrevue au Journal de Montréal par Mgr Lépine repose sur un projet-pilote de « pastorale responsable » qui sera d'abord mis à l'essai dans une dizaine de paroisses.

« L'actualité a mis au jour des abus commis sur des personnes mineures et vulnérables par des gens d'Église, écrit Mgr Lépine dans une explication donnée jeudi sur le site internet de l'archevêché. Ces situations intolérables ont scandalisé et ébranlé l'Église universelle ainsi que l'ensemble de la population à qui nous voulons annoncer la Bonne Nouvelle. Les Papes Jean-Paul II, Benoît XVI et François ont dénoncé ces situations et ont émis des consignes claires afin que chaque diocèse se dote de moyens nécessaires pour éviter de tels abus et que les cas de fautes soient immédiatement traités. »

Un cas de pédophilie encore non révélé dans l'archidiocèse de Montréal aurait aussi contribué à la décision.

« PRUDENT »

Robert Lachaine, prêtre à la paroisse Saint-Viateur, à Outremont, trouve dommage qu'on en soit rendu là, mais il ne s'en formalise pas. « Avec tout ce qui est arrivé, ça m'apparaît prudent. »

M. Lachaine explique qu'il lui arrive parfois qu'un jeune veuille lui parler ou se confesser. Quand c'est le cas, ils ne sont jamais seuls dans un endroit clos. « On se parlera par exemple dans un banc d'église ou dans mon bureau, où il y a des portes vitrées. »

Jonathan Guilbault, qui a étudié pour être prêtre mais est finalement devenu éditeur de produits religieux, note qu'au séminaire, on recommandait déjà aux futurs prêtres de ne jamais se trouver seuls avec des enfants. « Ce n'était pas une consigne formelle, mais on nous le suggérait, et entre nous, on se disait que c'était plus prudent, de toute façon. »

Et cela, c'est sans compter plusieurs autres précautions qui étaient prises. « Avant l'admission, on devait passer des tests psychologiques. Notre formation incluait aussi des cours de psychologie. »

À l'Assemblée des évêques du Québec, Germain Tremblay, adjoint au secrétaire général, indique que tous les évêques du Canada « ont déjà depuis les années 90 un protocole à suivre relativement à toutes les personnes mineures vulnérables, qui inclut notamment toute une série de filtres pour quiconque veut devenir prêtre ».

Il n'a pas été possible de joindre Mgr Lépine, jeudi.