Les 200 millions de fonds publics injectés par le gouvernement Charest dans le Centre Vidéotron à Québec ont établi une limite psychologique qu'il sera difficile de dépasser. Voilà le constat de la Régie des installations olympiques (RIO) dans un « dossier d'affaires » sur sa stratégie globale visant à obtenir le feu vert pour un toit souple, mais fixe, sur le Stade olympique.

Le projet de toit souple non rétractable n'a pas varié depuis une précédente proposition en avril 2012. Le coût du projet est toujours de 150 millions en dollars de 2013. Sur 30 ans de vie utile, le coût du projet totalise 221,3 millions. Pour la RIO, la réaction des médias et du public à un projet de 285 millions de SNC-Lavalin pour le toit du stade en 2010 montre qu'au sein de la population, il y a un seuil à ne pas dépasser.

Une « délicate équation » s'est imposée : « Le montant [attribué] par le gouvernement à la Ville de Québec pour la construction du nouvel amphithéâtre s'élève à 200 millions. Ce montant apparaît comme un seuil psychologique qu'il est difficile de surmonter », observe la RIO.

« Le niveau d'investissement requis pour le remplacement de la toiture aura un impact déterminant sur le niveau d'acceptation du projet », observe l'organisme. « Il importe donc à la RIO de clairement démontrer le bien-fondé d'un investissement dans le stade. »

DES ADVERSAIRES

La Régie des installations olympiques prévoit que son projet de toit souple mais fixe pour le Stade olympique soulèvera bien des critiques. Revenue à la charge à la fin de 2015 avec sa proposition, la RIO a prévu un plan de gestion des « enjeux sociopolitiques » pour contrecarrer ces oppositions prévisibles.

Depuis 1991, personne n'avait contesté l'idée d'un toit fixe, rappelle l'organisme dans son « dossier d'affaires initial », que La Presse a obtenu. Plus récemment, l'idée d'un toit ouvrant a gagné des adeptes : la Ville de Montréal, dans les audiences publiques de la commission présidée par Lise Bissonnette, s'était prononcée pour un toit rétractable.

Les réactions que suscitera le toit fixe seront « plus émotives que rationnelles », croit la RIO. La controverse entourant les deux options mobilisera davantage l'opinion publique que l'idée d'aller ou non de l'avant avec un nouveau toit. Un toit fixe coûterait de 60 à 100 millions de plus.

Les partisans d'un stade largement ou exclusivement destiné au sport exerceront des pressions sur Québec pour un toit rétractable. Le milieu du sport amateur sera particulièrement déçu et se fera entendre, prévoit la stratégie de la RIO.

L'architecte Roger Taillibert soutient depuis des années que le stade devrait avoir le toit en kevlar rétractable prévu lors de la conception du projet. Des inventeurs alimenteront le débat avec des propositions « non sollicitées ». Chacun voudra mousser son projet : « comme ce fut le cas à de multiples reprises depuis 2005, les activités publiques des inventeurs pourraient devenir un enjeu ».

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Toit souple

Dans son document, la RIO relève que le scénario d'un toit souple non rétractable est le plus facile à réaliser, à la lumière de l'expérience acquise. Il y aura toujours des risques de déchirures mineures, mais leurs conséquences peuvent être contrôlées, surtout si on porte attention à la forme de la structure. En cas de vice de conception, il y a toujours un risque de déchirure accru.

Toit fixe

« Faisable sur le plan théorique », mais plus périlleux sur celui de la réalisation. Un toit rigide comporterait de faibles probabilités de dommages à la structure du stade, mais le cas échéant, les conséquences seraient dramatiques. Il faudrait une intervention majeure sur la structure du stade : l'arceau de béton qui surplombe les gradins n'a pas été conçu pour supporter le poids d'un toit.

Rétractable

La RIO a consulté des soumissionnaires éventuels et constaté que « la majorité des firmes émettent une réserve quant à la faisabilité d'un toit souple rétractable ». Un mécanisme rétractable « à la verticale » comme prévu pour le stade initial reste « expérimental », une situation bien différente d'un stade rectangulaire où on glisse un toit sur des rails horizontaux. La RIO a dressé la liste de six types d'événements qui exigent que les compétitions se tiennent en plein air, des Jeux olympiques en passant par les Jeux du Commonwealth, les Jeux olympiques de la jeunesse et les championnats canadiens d'athlétisme. La plupart ne se dérouleront probablement pas à Montréal dans un avenir prévisible. Les championnats canadiens pourraient se tenir ailleurs qu'au Stade olympique. « La possibilité de tenir de tels événements à Montréal ne justifie donc aucunement le coût et le risque que présente un toit rétractable pour le Stade ».

Retombées

Qu'il soit rigide ou souple, le nouveau toit générerait des retombées supplémentaires de 119 millions par année pour la RIO. Des améliorations à la toile actuelle pourraient attirer 52 millions de plus par année, mais à court terme seulement. Le stade le plus sécuritaire n'aurait pas de toit du tout, mais les recettes s'en ressentiraient cruellement.

État des lieux

Actuellement, la toile qui s'est déchirée en 1999 est 50 % moins résistante aux déchirures qu'à l'origine. La toile, selon un rapport datant de 2012, se détériore à un rythme de 4,3 % par année, et le temps ne fera qu'accélérer le phénomène. Le président de la RIO, Michel Labrecque, a cependant assuré la semaine dernière que l'organisme était parvenu à freiner la détérioration de la toile. Il n'y a pas eu d'événement météorologique mettant en danger la toiture depuis.

Entre 1999 et 2008, la charge de neige permise durant l'utilisation de l'enceinte du stade a été réduite de moitié pour des raisons de sécurité. On est passé de 400 tonnes à 200 tonnes métriques sur l'ensemble de la toiture. Un centimètre de neige réparti uniformément sur la toile actuelle représente environ 25 tonnes métriques.

photo hugo-sébastien aubert, archives la presse

Le nouveau toit du Stade olympique, qu'il soit rigide ou souple, générerait des retombées supplémentaires de 119 millions par année pour la RIO.