Que ce soit par pipeline, par train ou par bateau, le transport du pétrole provoque des problèmes psychologiques et mine le tissu social des communautés, conclut l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), dans un rapport publié hier.

L'organisme s'était déjà penché sur les problèmes de santé liés à l'industrie pétrolière l'an dernier. Ce nouveau volet de sa recherche s'intéresse aussi aux conséquences psychologiques et sociales de cette ressource, notamment son transport. Il est publié au moment où le Bureau des audiences publiques sur l'environnement (BAPE) étudie le projet d'oléoduc Énergie Est de TransCanada.

« En gros, on voit que ça met en relief qu'il y a davantage d'effets négatifs sur la santé et le bien-être, même s'il y a quand même des effets positifs qui sont observés », résume en entrevue Emmanuelle Bouchard-Bastien, conseillère scientifique de l'INSPQ et coauteure de l'étude.

Les pipelines et les trains qui transportent le pétrole nuisent à la qualité de vie des citoyens avant même leur mise en service, indique la chercheuse. Comme c'est le cas avec Énergie Est, ces projets provoquent des débats qui attisent l'animosité entre voisins et qui augmentent l'anxiété des individus.

La construction des projets d'infrastructure pétrolière entraîne l'afflux soudain de dizaines, voire de centaines de travailleurs dans des communautés.

Cet « effet boomtown » est temporaire pour la construction d'un pipeline, mais il se prolonge dans les communautés situées près des exploitations pétrolières ou gazières. Des produits deviennent plus difficiles à trouver dans les commerces, les services publics sont plus utilisés, les problèmes de circulation se multiplient. Cela peut sembler banal, mais ces changements peuvent toucher sérieusement certaines personnes.

« On peut le voir dans les effets psychologiques, dit Mme Bouchard-Bastien. Parfois, il y a des gens qui vont vivre des périodes de stress, d'anxiété, de sentiment de perte de contrôle et d'impuissance parce que leur milieu de vie a changé. »

DÉVERSEMENT

Les déversements de pétrole entraînent des problèmes beaucoup plus graves. En plus des conséquences sur leur santé, les citoyens exposés à de tels accidents sont soumis à un stress important qui entraîne une érosion du tissu social.

Dans les communautés situées près du déversement du pétrolier Exxon Valdez en Alaska, ou de l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique, des études ont démontré une hausse du taux de criminalité, de la violence conjugale et de la consommation d'alcool et de drogues.

« Peu importe le moyen de transport, quand il y a un déversement, c'est vraiment là qu'il y a une catastrophe, dit la chercheuse. La communauté se retrouve privée d'un territoire qui est souillé. C'est un territoire où on gagnait notre vie, où on socialisait et on se ressourçait. Être privé de ce territoire, ça a vraiment des conséquences très importantes, et à long terme. »

- Avec la collaboration d'Ariane Lacoursière

Évitable

Les problèmes décrits par l'étude peuvent être évités. Le gouvernement et les autorités municipales peuvent minimiser les impacts des projets s'ils sont bien renseignés sur les caractéristiques de la population, de manière à identifier les personnes vulnérables. « Il faut doter nos autorités régionales et gouvernementales d'une bonne préparation. Et ça, évidemment, ça va avec de l'argent. »

Entreprise

Les promoteurs de projets pétroliers peuvent apaiser les problèmes psychologiques et sociaux en se montrant transparents et ouverts à modifier leurs plans. Cela nécessite des consultations étendues, quitte à ralentir les échéanciers. « Une entreprise qui arrive avec un projet tout ficelé et qui veut l'imposer à une communauté d'accueil, c'est certain qu'il va y avoir des impacts négatifs au niveau social et psychologique. Et ça cause des problèmes pour l'entreprise aussi. »