Pourquoi ne pas créer une unité spécialisée pour la réadaptation des fugueurs ? C'est l'idée que lance Martin Pelletier, du Centre jeunesse de Montréal.

« On a toute l'expérience qu'il faut à Montréal. Comment on peut l'utiliser pour répondre à nos besoins ? », se demande-t-il. Une telle unité pourrait permettre une intervention intensive auprès de cette clientèle particulière : éducation sexuelle, témoignages de survivantes de la prostitution juvénile, liens particuliers avec les partenaires du milieu communautaire. Une unité spécialisée permettrait peut-être aussi d'offrir un milieu plus sécuritaire... avec des portes verrouillées. « La porte barrée n'est pas une solution. Il faut créer un lien. Mais si la jeune est toujours partie, on ne peut pas créer de lien, dit-il. Certaines jeunes auraient peut-être besoin d'une porte barrée pour un moment. » 

M. Pelletier a lancé l'idée aux autorités du centre jeunesse. « Mais il y a une question d'argent, évidemment. Et le gouvernement coupe actuellement. »

Les dangers de la médiatisation

Oui, la médiatisation des cas de fugue aide, dans l'immédiat. Les jeunes filles sont souvent retrouvées grâce au grand public qui a vu leur visage sur Facebook.

Mais il y a un revers à la médaille de la médiatisation, disent plusieurs intervenants. « Les filles n'ont pas conscience des impacts de la médiatisation. Il y en a en maudit, de l'encre qui a coulé sur leur cas. Comment on récupère ça ensuite ? Ta photo a été partout avec le message : tu as été droguée, prostituée. C'est difficile de vivre ce qu'elles ont vécu et là, en plus, tout le monde le sait », souligne Martin Pelletier, du Centre jeunesse de Montréal.

Toutes les jeunes filles en fugue ne tombent pas dans les griffes des gangs de rue pour de l'exploitation sexuelle, dit l'intervenant. « En revenant à l'école, la fille qui a fugué va-t-elle se faire regarder de haut et se faire dire : tu es une pute ? Va-t-elle pouvoir retourner à l'école ? »

Le lien filial, après la médiatisation d'une fugue, peut également être amoché, dit Lynn Dion, du centre Batshaw. « Certaines sont contentes parce qu'elles réalisent que leurs parents les aiment. Mais certaines peuvent en vouloir aux parents parce qu'elles ont désormais une étiquette. Elles vont retourner à l'école et risquent de se faire lancer ça au visage. »