Le patron de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), Robert Lafrenière, n'est pas favorable à l'idée que le détenteur de ce poste doive obtenir l'appui d'un vote aux deux tiers de l'Assemblée nationale.

Pour lui, il n'y a pas d'intérêt à mêler « le judiciaire et le législatif ». Le Directeur des poursuites criminelles et pénales et le responsable du Bureau des enquêtes indépendantes sont nommés par le gouvernement, le directeur de la Sûreté du Québec aussi, de souligner M. Lafrenière, qui témoignait hier à la Commission des institutions pour faire le bilan de son mandat, qui se terminera le printemps prochain. « On parle de sécurité publique, je n'aime pas me mêler des affaires du gouvernement comme je n'aime pas que le gouvernement se mêle de mes affaires. »

« En aucun temps je n'ai eu les mains attachées. En cinq ans, je n'ai jamais reçu de pressions, aucune représentation du monde politique », dit Robert Lafrenière, commissaire de l'UPAC.

M. Lafrenière dit qu'il se pliera « de bonne grâce » à la décision du gouvernement, s'il veut revoir le mode de nomination du patron de l'UPAC, mais il ne voit pas d'avantage à un tel test de l'Assemblée nationale. « On a vu dans le passé des nominations qui ont pris beaucoup de temps à se faire. » M. Lafrenière demandera un renouvellement au terme de son mandat de cinq ans, en mars prochain.

Pour le député péquiste Pascal Bérubé de même que pour la députée caquiste Nathalie Roy, le choix du patron de l'UPAC devrait être confié aux élus. C'est déjà le cas pour le Vérificateur général, le Protecteur du citoyen et le Directeur général des élections. Pour M. Bérubé, « il n'est pas normal que le gouvernement choisisse l'enquêteur en chef dans des dossiers de corruption. Ça inclut le financement des partis politiques. » Surtout qu'au surplus, le commissaire de l'UPAC revendique davantage de pouvoirs : l'UPAC demande de devenir un corps de police distinct, indépendant de la Sûreté du Québec.

Les deux députés ont brandi l'article de La Presse qui révélait qu'une demi-douzaine de dossiers d'enquête complétés étaient bloqués au bureau du Directeur des poursuites. Deux d'entre eux touchent le Parti libéral du Québec. Sans contester les révélations, M. Lafrenière a toutefois répliqué qu'il n'était pour lui « pas question de commenter une revue de presse, des affirmations dans les médias ». Il se dit satisfait de la détermination des procureurs dans les dossiers. « Je suis convaincu de leur intégrité, de leur compétence et de leur dévouement. »

UNE CENTAINE DE SIGNALEMENTS PAR MOIS

Interrogé par les députés, M. Lafrenière a indiqué qu'une de ses craintes était que la population devienne indifférente aux questions soulevées par les enquêtes de son organisation. Pourtant, la volonté de dénoncer les stratagèmes ne se dément pas. L'UPAC a reçu plus de 3700 « signalements » de la part de la population depuis sa création au printemps 2011. Pour la dernière année, 1300 personnes ont tenu à transmettre des informations - grosso modo, une centaine par mois -, de relever le commissaire Lafrenière.

Pour lui, il serait « injuste » de réduire le travail de l'UPAC aux seules arrestations. « Les menottes à la télévision » frappent l'imaginaire, mais le travail de vérification en amont est aussi important. Il y avait eu 66 arrestations en 2013, mais 37 d'entre elles venaient du dossier de Laval et six suivaient l'enquête chez SNC.

La réorganisation du Bureau des poursuites criminelles et pénales le laisse perplexe. « Mettre le monde ensemble, je ne peux pas être contre ça, mais on verra à l'usage si le nombre [de procureurs] est suffisant. On est informé que le nombre de procureurs passerait de 110 à 60, mais il y a du travail qui se fait en région. Il faut être prudent », d'observer le commissaire Lafrenière.

Ce dernier a par ailleurs été attaqué par le député Bérubé pour s'être trouvé aux côtés des ministres Robert Poëti et Martin Coiteux pour des annonces gouvernementales. Pour le commissaire, il s'agissait toutefois dans le premier cas de faire comprendre que son organisation suivait de près les travaux importants à l'échangeur Turcot. Dans le cas du président du Conseil du trésor, M. Coiteux répondait en personne aux recommandations que lui avait faites l'UPAC quant aux contrats informatiques, a-t-il expliqué.