Depuis 31 ans, la Ville de Laval n'a aucun contrôle sur la consommation de carburant qui est faite dans ses garages municipaux. Il lui est même impossible de dire si l'essence et le diesel sortant de ses réservoirs alimentent d'autres véhicules que ceux de la Ville. Le dossier fait maintenant l'objet d'une enquête policière.

Le maire Marc Demers se montre prudent et refuse de conclure, pour l'instant, au vol de carburant. Il préfère parler de «potentiel de vol». «Le manque de rigueur administrative pendant 31 ans m'indigne, mais c'est conforme à ce que l'on a constaté dans bien d'autres dossiers. [...] C'est maintenant la responsabilité du Bureau d'intégrité et d'éthique de Laval [BIEL] - qui relève du service de police - de voir s'il y a eu vol», a indiqué hier M. Demers lors d'une conférence de presse.

Au chapitre administratif, des vérifications sont également en cours. Le maire s'attend d'ailleurs à en recevoir les résultats dans quelques semaines. Pour l'instant, aucune mesure disciplinaire n'a été prise contre les employés ou les cadres responsables de la gestion des sept sites d'approvisionnement en carburant qui relèvent du Service des travaux publics.

C'est à l'automne 2014 que Marc Demers a été prévenu de la facilité d'accès aux pompes municipales. Il s'est immédiatement tourné vers le directeur général pour que soit jugulé le problème, et la vérificatrice générale (VG) pour qu'elle procède à un audit en mesurant «l'état des dégâts».

Rapport dévastateur

Mercredi, la VG Michèle Galipeau a rendu compte publiquement de ce mandat dans son rapport annuel. Le constat est d'autant plus dévastateur que l'alarme a été sonnée à plusieurs reprises depuis 31 ans. Au moins deux rapports du bureau du VG ont soulevé le problème sans que l'administration en place (celle de Gilles Vaillancourt, de 1989 à 2012) apporte quelque correctif que ce soit.

L'équipe de la VG a testé elle-même à quel point il est facile de voler du carburant. «Nous avons mis de l'essence dans un véhicule dans quatre des six secteurs visités, sans aucune restriction. En effet, à aucun moment, nous n'avons eu à nous identifier et l'accès aux pompes des réservoirs d'essence n'était pas bloqué», lit-on dans le rapport.

Ces tests ont été effectués alors que l'administration Demers venait d'installer des minuteries pour sécuriser les sites. Mais le bureau de la VG a déjoué sans effort les systèmes. Jusqu'à tout récemment, rien n'était cadenassé, aucun éclairage ou caméra de surveillance n'était sur place et lorsqu'il y avait une guérite à l'entrée d'un site, il n'y avait pas de gardien en permanence pour contrôler la circulation.

57,9 litres/100 km

En 2014, la dépense en carburant a été estimée à 4 millions de dollars. La VG est incapable d'être plus précise puisque la Ville n'a aucun mécanisme de contrôle. C'est également vrai pour les livraisons de carburant. On ignore si les quantités de carburant correspondent à ce que contiennent les réservoirs.

Par contre, on sait que Laval, avec ses 647 véhicules (ce qui exclut les voitures de police et les camions de pompiers), a consommé 654 635 litres d'essence et de diesel l'année dernière. L'analyse de la consommation d'essence pour les véhicules attitrés dans chacun des sites d'approvisionnement est surprenante.

Par exemple, au garage municipal sur le boulevard Saint-Martin, desservant les quartiers de Duvernay, Saint-Vincent-de-Paul et Saint-François, la consommation est estimée à 57,9 litres par 100 kilomètres parcourus, en 2014. Dans un seul secteur (Fabreville et Sainte-Rose), la consommation d'essence s'apparente à celle d'un véhicule ordinaire, soit 9,2 l/100 km.

Corrections à venir

L'administration Demers a adopté récemment un plan pour corriger la situation de façon permanente. Les tâches et les responsabilités des gestionnaires concernés seront révisées afin d'avoir «une structure de responsabilisation et d'imputabilité». De plus, on ne retrouvera que du diesel dans les sites d'approvisionnement. Des cartes d'achats seront remises aux services municipaux qui utilisent des véhicules à essence. Le même fonctionnement est déjà appliqué aux services de police et de sécurité incendie.