La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), chargée de réglementer l'utilisation de cette énergie au pays, met en doute la crédibilité du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE).

Dans une lettre adressée au ministre de l'Environnement David Heurtel, la Commission fustige l'organisme québécois pour un rapport «troublant» sur l'exploitation de l'uranium, dont les conclusions «manquent de fondement scientifique et de rigueur» et induisent «en erreur» les Québécois.

Le 17 juillet dernier, le BAPE recommandait au ministre de l'Environnement de ne pas donner le feu vert à l'uranium sur le territoire québécois. 

Le bureau, chargé de donner des avis à David Heurtel, concluait qu'il subsistait de «nombreuses lacunes et incertitudes technologiques et scientifiques» pour un minerai qui serait radioactif «des milliers d'années». La commission d'enquête, présidée par l'ancien journaliste Louis-Gilles Francoeur, suggérait également qu'il y avait une importante contestation sociale. 

«Le dossier est loin de susciter un consensus social et politique, ce qui se traduit au Québec par une très faible acceptabilité. Dans les communautés autochtones des territoires conventionnés de la Baie-James et du Nunavik ainsi que du Québec méridional, le rejet de la filière uranifère est quasi unanime», indique le rapport québécois.

Des préjugés

Or, ce document a été vivement critiqué dans une lettre publiée par le président de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, Michael Binder, que La Presse a consultée. La CCSN accuse le BAPE de s'être basé sur des préjugés plutôt que sur des faits scientifiques. 

«Il est évident que la recommandation du BAPE d'étouffer les projets d'exploitation est fondée sur la perception du manque d'acceptabilité sociale, et non sur des principes scientifiques éprouvés.» La CCSN affirme avoir fourni au BAPE de nombreux documents prouvant qu'il est possible d'exploiter l'uranium au pays de façon à assurer la sécurité environnementale et écologique.

Selon la Commission, les preuves démontrent que les activités nucléaires canadiennes figurent parmi «les plus sûres et [les plus] sécuritaires au monde», y compris pour les personnes vivant près des sites. «Suggérer que l'extraction minière de l'uranium n'est pas sécuritaire revient à dire que la CCSN et le gouvernement de la Saskatchewan n'ont pas été responsables à l'égard de l'approbation et de la surveillance des mines d'uranium au Canada au cours des 30 dernières années».

La décision du ministre

Il incombe au ministre de l'Environnement, David Heurtel, d'imposer ou non un moratoire sur l'exploitation de l'uranium dans la province. 

Appelé à réagir au sujet de la lettre envoyée par le président de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, le bureau du ministre a fait savoir par courriel à La Presse qu'il veut plus de temps pour analyser le dossier. 

«Le gouvernement prendra le temps nécessaire pour réaliser une analyse rigoureuse de l'ensemble des conclusions du BAPE. C'est pourquoi il met en place un comité interministériel composé des ministères et organismes concernés.»

Le seul projet uranifère au Québec assez important pour avoir besoin d'une autorisation gouvernementale était celui de Strateco, situé dans un territoire cri au nord de Chibougamau. La société minière s'est placée sous la protection de la loi, a vendu ses actifs et poursuit maintenant le gouvernement du Québec pour 190 millions.

Il nous a été impossible de joindre le BAPE hier en soirée.