L'Unité permanente anticorruption (UPAC) a mené hier sa quatrième journée de perquisition en deux semaines concernant le scandale des compteurs d'eau. Huit ans après l'attribution de ce contrat par la Ville de Montréal, la police espère toujours retrouver des traces d'irrégularités.

Sans confirmer que les opérations récentes concernent les compteurs d'eau, l'UPAC rappelle que les mandats de perquisition ont été obtenus parce qu'«on a convaincu un juge que nous avions suffisamment d'indices pour trouver des preuves». Ainsi, une trentaine de policiers ont investi hier les bureaux de la firme de génie Dessau, au centre-ville de Montréal, un acteur central du scandale.

Les enquêteurs recherchaient des documents sous différentes formes, notamment des fichiers informatiques. «Ils vont également rencontrer plusieurs témoins. Aucune arrestation n'est prévue», a indiqué Anne-Frédérick Laurence, porte-parole de l'UPAC.

Selon les informations recueillies par La Presse, toutes les frappes effectuées depuis le 2 juillet concernent le Projet Fronde, l'enquête de l'UPAC sur les compteurs d'eau. Cette enquête a été ouverte en mai 2009, deux ans après que la Ville de Montréal eut accordé le plus important contrat de son histoire, soit celui des compteurs d'eau (355 millions).

Crime économique, enquête lente

L'ancien policier de la Sûreté du Québec François Doré, qui a longtemps dirigé les communications du corps de police, estime que même si près de huit années se sont écoulées avant de procéder à des perquisitions, ces dernières peuvent se révéler fort utiles pour faire avancer une enquête.

«C'est sûr qu'il y a des dossiers papier qui ont dû disparaître, passés à la déchiqueteuse et transformés en confettis ou en litière. Mais il y a aussi les fichiers informatiques qui laissent des traces et la police a les spécialistes nécessaires pour les trouver», soutient M. Doré.

Puis il ajoute qu'une enquête comme celle des compteurs d'eau en est une de longue haleine. «Les enquêtes de crime économique sont toujours très longues. Contrairement à une scène de meurtre où l'observation des lieux fait la différence, un crime économique, c'est des caisses et des caisses de documents et des mégaoctets de données à analyser, à vérifier et à faire expertiser.»

Cascade de perquisitions

Depuis deux semaines, l'UPAC a perquisitionné dans les bureaux des firmes de génie BPR, Groupe SM et Dessau ainsi que chez les entreprises Construction Frank Catania et Travelers Canada.

La firme Dessau était l'un des principaux bénéficiaires de ce projet d'installation et d'entretien pendant 25 ans de compteurs d'eau dans les institutions, les commerces et les industries. Avec l'entreprise Simard-Beaudry, alors dirigée par l'entrepreneur controversé Tony Accurso, Dessau avait formé un consortium nommé Génieau. C'est Génieau qui avait décroché le contrat.

Ce dossier a été marqué par de nombreuses irrégularités, selon le vérificateur général de la Ville de Montréal. Il a plongé dans la tourmente politique l'ancienne administration du maire Gérald Tremblay, qui a réagi en annulant le contrat. La police a décidé d'en suivre tout de même les traces.

En plein coeur du processus d'attribution du contrat, Tony Accurso avait accueilli sur son yacht de luxe, le Touch, le président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Frank Zampino.

Montrée du doigt pour des problèmes d'éthique, Dessau a été vendue à la firme albertaine Stantec en septembre 2014. Les principales têtes dirigeantes de Dessau, les frères Jean-Pierre et Rosaire Sauriol, ont quitté l'entreprise.

Chronologie des perquisitions des compteurs d'eau

• 8 avril 2014: 7 perquisitions à la résidence de différents acteurs du scandale, dont Frank Zampino, Paolo Catania, Bernard Trépanier, Tony Accurso, Frank Minicuci et  Robert Abdallah

• 2 juillet 2015: bureaux de BPR à Montréal et à Québec

• 7 juillet 2015: siège social de Construction Frank Catania, à Brossard et bureaux montréalais de la compagnie d'assurance Travelers Canada

• 8 juillet 2015: bureaux du Groupe SM à Montréal, Longueuil et Sherbrooke et résidence et chalet du fondateur de SM, Bernard Poulin