Deux manifestations d'ouvriers de la construction ont eu lieu en deux endroits différents dans la région de Montréal, venant de deux organisations syndicales rivales, mais pour la même cause: la priorité à donner aux travailleurs québécois.

D'abord, une centaine de travailleurs ont manifesté lors de l'assemblée des actionnaires du Groupe Jean-Coutu, à Longueuil, mardi. Dans le cadre de la construction du nouveau siège social et du centre de distribution à Varennes, une douzaine d'ouvriers autrichiens ont été embauchés par l'un des entrepreneurs pour installer des convoyeurs.

Le syndicat des mécaniciens industriels, affilié au Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International), souligne que pendant ce temps, un fort pourcentage de ses membres ne travaillent pas.

«On a l'expertise, on a l'expérience pour faire ça», l'installation de convoyeurs à rouleaux, a protesté en entrevue Claude Gagnon, gérant d'affaires de la section locale 2182 des mécaniciens industriels. «Le convoyeur, c'est la base de notre métier».

M. Gagnon souligne qu'il représente 1300 membres dans l'ensemble du Québec et que 60 pour cent d'entre eux ne travaillent pas. Et 80 de ses membres vivent dans la région concernée.

«Une entreprise québécoise qui ne veut pas prioriser des travailleurs québécois, c'est inacceptable», s'est exclamé M. Gagnon.

La direction de Jean-Coutu, quant à elle, a répliqué au cours d'une conférence de presse que ces embauches de travailleurs étrangers étaient légales et qu'elles étaient justifiées dans le contexte.

«Ce sont des équipements sophistiqués qui sont venus d'Allemagne. Le fournisseur nous disait qu'il était préférable... que ça a été négocié comme une installation incluse dans le prix d'acquisition», a expliqué François Coutu, chef de la direction.

«On a engagé des centaines d'employés d'ici même pour faire la réalisation de notre siège social, de notre centre de distribution. Mais là, on parlait d'équipement spécialisé qui avait besoin d'une certaine compétence», a ajouté M. Coutu.

Mais le dirigeant syndical des mécaniciens industriels assure qu'ils auraient été habilités à faire ce travail. «C'est en train de s'étendre, c'est un fléau», l'embauche d'ouvriers de l'extérieur du Québec, a protesté M. Gagnon, de la section locale des mécaniciens industriels affiliée au Conseil provincial.

Ailleurs, les grutiers

Ensuite, à Montréal même, cette fois au chantier de l'échangeur Décarie - un chantier du ministère des Transports -, quelques dizaines de grutiers de Montréal et de Trois-Rivières ont manifesté parce qu'un entrepreneur sous-traitant emploie un ouvrier américain et un autre de l'Ontario. Cette fois, c'est le syndicat des grutiers, affilié à la FTQ-Construction, qui se plaint d'avoir des membres qui ne travaillent pas pendant qu'un entrepreneur embauche des ouvriers de l'extérieur.

«Une priorité devrait être donnée aux travailleurs québécois, surtout que c'est un travail qui vient du ministère des Transports. On s'entend que ça vient de la population quand c'est le ministère des Transports qui paie. Ça devrait favoriser les travailleurs québécois», a lancé Evans Dupuis, directeur de l'Union des opérateurs grutiers, section locale 791-G, affiliée à la FTQ-Construction.

Dans ce cas, il existe une entente Québec-Ontario sur la mobilité de la main-d'oeuvre - ce qui permet à un ouvrier de l'Ontario ayant les compétences requises de venir travailler au Québec. Et pour ce qui est de l'ouvrier venu du Texas, l'entrepreneur a obtenu une carte d'exemption de la Commission de la construction du Québec parce que le grutier devait manipuler une grue munie d'un accessoire spécialisé.

«Les grutiers du Québec étaient capables (de manipuler cet équipement) parce qu'on connaissait la grue; on avait juste à apprendre comment manipuler l'accessoire. Mais la CCQ a quand même émis une carte d'exemption», a protesté M. Dupuis.

«On avait au-dessus de 200 grutiers disponibles au Québec et qui ne travaillent pas», a critiqué M. Dupuis.

Ces protestations d'ouvriers de la construction et de leurs syndicats, comme celles venues récemment de la Côte-Nord et de la Gaspésie, ont cours dans un contexte où le nombre d'«heures travaillées» dans l'industrie de la construction au Québec est en baisse depuis quelques années, après avoir connu des sommets. Il y a moins de travail qu'avant sur les grands chantiers et les emplois disponibles sont alors convoités.