Ces dernières années, les 20 fonctionnaires cumulant le plus grand nombre d'heures supplémentaires ont coûté plus de 2 millions par année à l'État, selon des données obtenues par La Presse grâce à la Loi sur accès à l'information.

En 2012-2013, les 20 fonctionnaires ayant réclamé le plus d'heures supplémentaires ont coûté près de 2,3 millions au trésor public et 2,7 millions l'année suivante. Les données, encore partielles, allant d'avril 2014 à janvier 2015 font état de 2,1 millions.

Certains cas précis font sourciller Aaron Wudrick, directeur de la Fédération canadienne des contribuables. « Certains de ces chiffres sont énormes et tout simplement scandaleux », dit-il.

Les documents obtenus par La Presse permettent notamment de constater qu'un employé de la Défense nationale, dont le salaire était de 61 562 $, a déclaré 2249 heures supplémentaires. En argent, cela représente une somme de 191 512 $, à laquelle s'ajoute un paiement « autre » de 11 343 $. Cet employé a donc empoché 264 417 $ pour l'année 2012-2013.

Selon le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT), ces paiements « autres » comprennent les indemnités, les primes, la rémunération au rendement, la rémunération d'intérim, les arriérés de paiement et tout autre paiement forfaitaire.

Toujours en 2012-2013, un employé de Santé Canada a travaillé 2674 heures en plus de ses heures régulières. Il a ainsi touché 149 905 $ en plus de 77 729 $ en paiement « autre », soit presque autant que son salaire de 80 659 $. Cet employé a donc gagné 308 000 $, cette année-là.

« Certains de ces coûts sont extrêmement élevés. Cet employé a fait presque autant que le premier ministre », ajoute Aaron Wudrick. Le premier ministre Stephen Harper a gagné environ 327 000 $ l'an dernier.

« Gestion minutieuse »

Le gouvernement assure faire une « gestion minutieuse » des heures supplémentaires.

« On n'encourage généralement pas les employés à faire des heures supplémentaires, dans la fonction publique fédérale », a expliqué par courriel Mike Gosselin, porte-parole du SCT. La plupart des employés sont en mesure de terminer leur travail durant les heures normales de travail. Toutefois, à l'occasion, et au besoin, il faut faire des heures supplémentaires. »

M. Gosselin explique que le personnel infirmier représente environ 30 % des employés qui effectuent le plus d'heures supplémentaires. Ce sont par exemple des infirmières qui travaillent en régions éloignées dans les villages autochtones. Chaque année depuis 2006, Santé Canada verse d'ailleurs près de 20 millions, en moyenne, en heures supplémentaires pour tous ces employés.

Plusieurs employés de La Garde côtière effectuent également des heures supplémentaires, tout comme ceux des Services partagés, qui travaillent dans les centres de données et de télécommunications. Ces employés doivent souvent être disponibles sur appel. « Les inspecteurs de grains peuvent faire des heures supplémentaires pendant les périodes de pointe pour assurer le transport des grains et le soutien de l'économie du Canada », ajoute M. Gosselin.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor a refusé de confirmer à La Presse si le plan d'action économique pour la réduction du déficit, qui s'est traduit par des compressions dans les effectifs de la fonction publique, a eu une influence sur les heures supplémentaires réclamées.

Des exceptions, selon le syndicat

L'Alliance de la fonction publique du Canada, le syndicat représentant les fonctionnaires, n'a pas d'information à ce sujet, mais elle souligne que l'abolition de 26 000 postes a certainement eu un impact sur le moral des employés. « On a aboli des postes, mais la charge de travail n'a pas été réduite, explique le vice-président du syndicat, Chris Aylward. Le moral est au plus bas, et même si certains employés sont bien payés en heures supplémentaires, l'argent ne remplace pas une vie équilibrée ou le temps en famille. »

Il ajoute que les employés qui gagnent 300 000 $ en une année ne sont certainement pas représentatifs des employés de la fonction publique. « Ce sont des anomalies. Nos études démontrent que le salaire de la plupart des employés de la fonction publique, particulièrement les techniciens, est bien plus bas que dans le secteur privé. »

- Avec la collaboration de William Leclerc