Montréal vient de perdre l'un de ses plus fervent amoureux. L'ancien maire de Montréal, Jean Doré, s'est éteint aujourd'hui à l'âge de 70 ans, emporté par le cancer du pancréas. Il était entouré de ses proches.

Le maire Denis Coderre a annoncé que ses funérailles allaient être célébrées à l'hôtel de ville la semaine prochaine, et que les citoyens pourraient venir lui rendre un dernier hommage ce week-end, lors d'une chapelle ardente. Les drapeaux flotteront en berne.

À l'hôtel de ville, une minute de silence a été observée au conseil municipal. «Salut Jean, on se retrouvera», a déclaré le maire Coderre après le moment de recueillement des conseillers.

Jean Doré a été maire de Montréal pour deux mandats, de 1986 à 1994. Il laisse dans le deuil sa femme Christiane Doré ainsi que ses filles Amélie et Magali, ainsi que ses petits enfants Luca et Anaïs.

Adieu à un grand démocrate

Avocat de formation, Jean Doré est arrivé au pouvoir à l'âge de 41 ans après un long règne de 26 ans du maire Jean Drapeau. C'est Jean Doré qui a conduit l'hôtel de ville vers le XXIe siècle en dépoussiérant l'appareil municipal.

Il est le père de l'Office de consultation publique de Montréal, du premier plan d'urbanisme de Montréal et de la période des questions à l'hôtel de ville. C'est sous son règne que les portes de l'hôtel de ville ont été débarrées pour permettre aux citoyens d'y entrer et que la Ville s'est procuré ses premiers ordinateurs.

«C'est un grand choc aujourd'hui pour tous les élus du conseil de ville d'apprendre la mort de ce grand maire que fut Jean Doré, qui a jeté les bases du monde municipal tel qu'on le connaît aujourd'hui», a déclaré cet après-midi le chef de l'opposition Luc Ferrandez, dans le hall de l'hôtel de ville. «Il est une inspiration pour tous les élus. Combien de personnes peuvent dire qu'avec son action, les bases qu'il a jetées sont restées. Il ne gouvernait pas selon le flavor of the day, il s'est inscrit dans la modernité telle qu'on la connaît aujourd'hui», a ajouté le chef de Projet Montréal.

Après une brève carrière comme attaché de presse de René Lévesque et à la Fédération des associations d'économie familiale, Jean Doré participe, en 1974, à la fondation d'un nouveau parti politique: le Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM).

«Il a fait beaucoup pour le monde municipal, il a connu ses hauts et ses bas comme tout politicien, mais je pense que sa foi et sa soif pour Montréal est indéniable», a ajouté le maire Coderre.

La chef de Vrai changement Lorraine Pagé a affirmé qu'elle ressentait une grande peine aujourd'hui. «Je pense que tous et chacun, nous lui sommes redevables de ce qu'est devenu Montréal aujourd'hui. C'est un maire qui a profondément marqué les institutions municipales et qui a insufflé une nouvelle façon de faire de la politique municipale.»

«C'est tout Montréal qui est en deuil aujourd'hui», a déclaré Benoit Dorais, chef de Coalition Montréal et maire du Sud-Ouest.

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Gilles Duceppe: «C'était un grand homme, un grand maire»

«C'était un grand homme, un grand maire», a déclaré Gilles Duceppe. Les deux hommes étaient amis depuis plus d'une cinquantaine d'années.

Pour le chef du Bloc, Jean Doré a fait entrer la métropole québécoise dans la modernité. 

«Jean Doré, c'est le premier plan d'urbanisme de Montréal en 1986, c'est Pointe-à-Callière, c'est le Biodôme, c'est l'aménagement de la plage qui porte maintenant son nom», énumère-t-il. Jean doré avait été très touché d'ailleurs de voir les hommages se multiplier ces derniers temps pour souligner son apport au développement de Montréal.

Passionné de Montréal, Jean Doré s'investissait dans ses projets. «Il connaissait ses dossiers sur le bout de ses doigts. C'était un infatigable», résume Gilles Duceppe.

D'ailleurs, malgré la maladie qui affaiblissait son corps, Jean Doré a gardé la même passion pour Montréal jusqu'à la fin, relate son ami de longue date. 

Encore récemment, l'ex-maire a prononcé il y a moins de trois semaines un vibrant discours devant les Amis de la montagne durant lequel Gilles Duceppe dit avoir été frappé par la force de sa voix.

Peter Trent: «Il avait une vision régionale»

Jean Doré n'a pas seulement contribué au développement de Montréal, mais de toute la région métropolitaine, dit Peter Trent, le maire de Westmount. 

«C'est une personne qui avait une vision beaucoup plus large que l'île de Montréal. C'est le premier maire de Montréal qui a commencé à penser de façon métropolitaine. Jean Drapeau n'était pas intéressé à ce qui passait à l'extérieur de l'île, mais Jean Doré avait une vision régionale», évoque-t-il. 

Peter Trent salue aussi l'esprit de collaboration que l'ex-maire avait avec les autres villes de l'île.

Peter Trent se dit encore aujourd'hui impressionné par l'apport à la démocratie montréalaise qu'a eu son parti politique, le RCM. 

«Habituellement, je suis contre les partis politiques au niveau municipal, mais le RCM est une réussite. Ça n'avait pas été créé autour d'un seul homme, c'était un vrai parti politique, dans le vrai sens du mot, avec des politiques poussées. Il avait une très bonne équipe et il réussissait à rassembler des gens de haut calibre», se rappelle le maire de Westmount.

Pierre Karl Péladeau : «Un immense bond en avant pour Montréal»

«Jean Doré avait un amour et une ambition immenses pour sa ville. Toujours, il plaçait les citoyens au centre de son engagement politique. Il a marqué la métropole par sa vision claire de la participation citoyenne, de l'environnement, de la sauvegarde du patrimoine et de l'urbanisme, entre autres. Je veux saluer son dévouement envers la population de Montréal et du Québec», a déclaré Pierre Karl Péladeau. 

 

Il a aussi souligné l'héritage important que Jean Doré laissait à la métropole. «Il est non seulement à l'origine d'une plus grande démocratisation de l'administration municipale, mais également du premier plan d'urbanisme de l'histoire de Montréal. Nous lui devons aussi le réaménagement de plusieurs secteurs de la ville, dont le centre-ville, le Vieux-Montréal, le canal de Lachine, entre autres» a dit M. Péladeau, évoquant aussi le musée de la Pointe-à-Callière, le Biodôme et le jardin de l'Hôtel de Ville. «Il a fait faire un immense bond en avant pour Montréal», dira M. Péladeau.

Luc Doray : «Un excellent communicateur»

Aujourd'hui directeur de l'Office de consultation de la Ville de Montréal, Luc Doray se souvient bien des premières rencontres où avec Louise Harel, et Jean Roy, le président du RCM, ils avaient convaincu Jean Doré, alors membre peu connu de l'exécutif du parti, de se porter candidat à la mairie, aux élections de l'automne 1982. D'autres noms avaient été soupesés, dont Michael Fainstat et Jean-Robert Choquette. Le RCM avait tourné le dos à la fusion d'avec le Groupe Action Montréal, mais les deux petits partis avaient connu des heures difficiles aux élections de 1978.

«Jean Doré n'était pas connu du grand public, ce nom était une surprise, mais déjà c'était un excellent communicateur» se souvient Doray. La première rencontre avait eu lieu sur la rue Sainte-Catherine, au bureau de Louise Harel, élue l'année précédente députée péquiste de Maisonneuve. En deux rencontres l'affaire était conclue. Il sera élu aux élections de 1986. Le nouveau maire innova du côté international, à la suite des conclusions d'un rapport demandé à l'ex-ministre Jean-Paul L'Allier. La ville mit en place un premier «Secrétariat des affaires internationales». «Sa détermination à faire progresser Montréal sur la scène internationale était remarquable. Il mettait beaucoup d'énergie dans la préparation et la réalisation des missions à l'étranger» se souvient Doray, l'un des premiers fonctionnaires municipaux affecté au Secrétariat.

Laurent Blanchard: «Une très grande contribution à Montréal»

Jean Doré a grandement contribué à la démocratisation de la Ville de Montréal, estime Laurent Blanchard, qui a lui-même brièvement dirigé Montréal en 2013. L'homme qui a travaillé pour Jean Doré de 1991 à 1994, garde en tête ses efforts pour créer une ville à échelle humaine. «Il a contribué à l'entrée des femmes à l'hôtel de ville, à la création des conseils de quartier, à la période de questions des citoyens au conseil municipal : Il a contribué à tout ce qui pouvait rapprocher les citoyens de leur Ville», évoque l'ex-maire.

Laurent Blanchard n'a d'ailleurs pas manqué de constater que le décès de Jean Doré survient alors que les élus montréalais commençaient tout juste leur rencontre mensuelle à l'hôtel de ville. «Le conseil municipal s'ouvre alors que Jean doré s'éteint.»

Alors que Montréal perd un grand serviteur, Laurent Blanchard se console à tout le moins de savoir que Jean Doré a pu voir sa contribution au développement de la métropole soulignée de son vivant. De nombreux ex-militants du RCM se sont en effet réunis en décembre dernier pour commémorer le 40e anniversaire de fondation du parti.

«Son prédécesseur, Jean Drapeau, aimait Montréal, mais on peut dire que Jean Doré aimait les Montréalais», dit Laurent Blanchard.



Régis Labeaume : « M. Doré a transformé le visage de Montréal»

Dans la capitale, le maire de Québec Régis Labeaume s'est dit attristé par la mort de l'ex-maire de Montréal. «Le décès de Jean Doré nous attriste et constitue une grande perte pour le monde politique municipal et les Montréalais. M. Doré a marqué et transformé le visage de Montréal», a déclaré le maire de Québec par communiqué. Eux aussi réunis en conseil municipal comme leurs collègues de Montréal, les élus de Québec ont adopté une résolution pour saluer l'oeuvre de Jean Doré.

Philippe Couillard : «C'était un homme de conviction»

«Jean Doré a contribué à changer durablement la vie démocratique municipale à Montréal. Son élection à la mairie, en 1986, a instauré le début d'une nouvelle ère marquée du sceau de l'ouverture. C'était un homme de conviction, d'une intégrité remarquable. Le Québec perd un démocrate exceptionnel et un grand bâtisseur», a déclaré le premier ministre Philippe Couillard.

Pierre Moreau : «Il a renouvelé les façons de faire»

«Jean Doré a fait entrer l'administration municipale dans la modernité. Il est responsable de l'élaboration du premier plan d'urbanisme de la ville en 1992. Il a renouvelé les façons de faire et sous sa direction, les Montréalaises et les Montréalais se sont sentis interpellés comme jamais dans les débats entourant l'avenir de leur ville», de souligner, de son côté, le responsable des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire, Pierre Moreau.

Robert Poëti : «Une vision progressiste de la vie urbaine»

Robert Poëti, de son côté, comme ministre responsable de Montréal, a ajouté : «Avec lui, la préoccupation à l'égard de la qualité de l'environnement et de la qualité de vie faisait son entrée officielle à l'hôtel de ville. Soutien à la vie communautaire, recyclage, aménagement de parcs, mise en valeur du patrimoine bâti, promotion du logement social, relance du transport en commun; ses réalisations sont multiples et reflètent une vision progressiste de la vie urbaine».

- Avec Denis Lessard et Pierre-André Normandi