Alors que les dépenses de municipalités québécoises semblent augmenter sans cesse et que Québec les rappelle à l'ordre, à l'ouest de la rivière des Outaouais, dans la petite municipalité ontarienne de Hawkesbury, une mairesse nouvellement élue est en croisade pour freiner les dépenses et baisser l'impôt foncier.

Nouvellement élue, la mairesse mène un combat pour réduire taxes et dépenses

Suppression de postes de hauts fonctionnaires, report d'achat de véhicules et d'équipements, révision des budgets, directives strictes aux chefs de service. Tout y passe.

« C'est sérieux, a confié Jeanne Charlebois, en entrevue à La Presse. Nos citoyens en ont assez de payer. J'ai décidé de couper les dépenses pour y arriver. »

Or tandis que les villes continuent de réclamer de Québec une plus grande implication financière pour boucler leur budget, la mairesse franco-ontarienne concède qu'il vaut mieux agir plutôt que d'attendre. Elle refuse de regarder dans son rétroviseur.

« Ici, on est dans l'action. On est partis sur le bon bord. Et ceux qui m'ont élue [à la fin d'octobre 2014] me rappellent régulièrement pourquoi je suis en poste, avec mon équipe. »

« Ils me disent : "on ne t'oublie pas, là !" Je leur réponds que je vais diminuer les taxes foncières, dit-elle. Et ce n'est que le début. Il y a un renversement de tendances. »

Elle ajoute : « C'est terminé, le temps où les villes refilaient la facture aux payeurs de taxes. Moi, je dis non à mes chefs de service s'ils me demandent une dépense que je juge non essentielle. »

De 2009 à 2013, les dépenses de la municipalité ont progressé de 7 %. Rien à voir avec l'ensemble des municipalités du Québec, qui ont vu leurs dépenses augmenter deux fois plus vite que l'inflation au cours de la même période.

Adopter la ligne dure

Dans le budget 2015 qu'elle souhaite faire adopter dans moins de deux semaines - et qui a fait l'objet d'une consultation citoyenne mercredi -, elle prévoit une baisse « moyenne » de 2 % du compte de taxes foncières et une réduction du taux de taxation de 4,5 %.

L'ex-greffière de carrière admet avoir été contrainte d'adopter la ligne dure pour « ramener de l'ordre » dans les finances de la municipalité de 10 550 habitants.

« Nous ne sommes pas une ville en bonne santé financière, et c'est le temps de faire des gestes concrets. »

« On n'a pas le choix d'agir autrement, concède Jeanne Charlebois. Nous avons un des taux de taxation les plus élevés en Ontario. Nous sommes dans le top 10. Ce n'est guère flatteur. »

On s'en doute bien : le style de gestion de la mairesse ne fait pas que des heureux. Deux mois après son élection, son équipe et elle ont mis à la porte trois hauts fonctionnaires : le directeur général, le directeur des travaux publics et la directrice du développement économique.

Mais comment cette ville séparée du Québec par un pont - qui enjambe la rivière des Outaouais - en est-elle arrivée là ? « Il y a eu de mauvaises décisions, analyse la mairesse. On a dépensé sans raisons. On a perdu beaucoup d'industries et on ne reçoit pas de soutien financier du gouvernement de l'Ontario pour notre développement économique. »

Comparer son style

Jeanne Charlebois tient à clarifier un point : elle ne s'est pas lancée en politique pour « le salaire », qui est « de moins de 40 000 $ » par année.

Elle ne veut pas comparer son style avec celui du maire Denis Coderre. « Avec M. Coderre, vous êtes bien ! », dit-elle en éclatant de rire.

N'empêche, quand elle marche dans les rues de sa ville, ses citoyens lui lancent : « Lâchez pas, Mme Charlebois ! »

Dans les Comtés unis de Prescott-Russell (CUPR), dont fait partie Hawkesbury, le combat des taxes qu'elle mène à bout de bras est suivi de très près.

« Le monde nous regarde », concède-t-elle.

Et dans ce « monde », il y aussi des maires de municipalités du Québec, de l'autre côté de la rivière...

Pas de « bébelles » inutiles ; pas d'achat d'équipements neufs s'il est possible d'acheter « du seconde main », martèle la mairesse de Hawkesbury.

Savoir dire non

Voici comment la municipalité s'y est prise pour réduire son train de vie :

• Achat d'un camion d'incendie (500 000 $) : refusé.

• Suppression de postes à la direction (400 000 $)

• Reconfiguration du mode de facturation pour le Service de police (250 000 $)

• Pas de nouvel emprunt (200 000 $ en économies sur le remboursement de dettes et intérêts)

• Réduction totale des dépenses (1,2 million) en 2015 par rapport à 2014