« Comment aimez-vous votre viande ? » C'est la question que pose le restaurant La Queue de cheval à ses clients dans une publicité qui fait vivement réagir les réseaux sociaux. Dans une première image, on voit une fille vêtue d'un bikini noir, les yeux masqués, prenant une pose suggestive devant un foyer. Dans la seconde image, on voit le corps d'une femme (sa tête est dans l'ombre) vêtue de dessous noirs, alors qu'en arrière-plan, des employés s'activent dans la cuisine d'un restaurant.

Cette publicité circule depuis quelques jours déjà dans les réseaux sociaux et a recueilli son lot de commentaires négatifs sur Facebook et Twitter.

« Comment j'aime ma viande ? Dans un autre restaurant où on me traite comme un être humain », s'est indignée une internaute sur Facebook. « Bande de porcs... », a renchéri une autre.

En après-midi hier, le propriétaire de La Queue de cheval, Peter Morentzos, a répondu aux appels de La Presse en publiant une lettre dans laquelle il précise que « la photo vient de la campagne marketing d'une soirée-bénéfice que nous avions tenue en 2008 » (Mardi Bra, au profit de la recherche pour le cancer du sein). 

Dans cette lettre, M. Morentzos se réjouit de l'attention que suscite sa publicité et ajoute : « Cette publicité se veut exotique, belle et désirable aux yeux des gens qui croient sincèrement que la beauté peut être trouvée partout dans le monde où nous vivons. Nous, à La Queue de cheval, croyons en cette philosophie. » Il poursuit : « La campagne avait pour but d'utiliser un jeu de mots, non de véhiculer un message sexiste, et encore moins de manquer de respect à la plus belle des créations qui peuple ce monde où nous vivons : la femme ! »

Un coup d'oeil à la section « Food Porn » du site web du restaurant confirme en effet que le restaurant réserve une place de choix à « la plus belle des créations ».

« Je ne comprends pas qu'on utilise encore un procédé aussi éculé pour vendre des produits qui n'ont rien à voir avec le corps de la femme », déplore Éliane Legault-Roy, responsable des communications à la Coalition nationale contre les publicités sexistes.

« On utilise le motif de la collecte de fonds pour le cancer du sein, comme si ça justifiait l'utilisation de ce procédé antique, ajoute-t-elle. Ou alors on nous dit que c'était de l'art ou de l'humour. Il y a toujours une bonne excuse. »

La Coalition rappelle que les gens qui n'aiment pas une publicité peuvent porter plainte aux Normes canadiennes de la publicité (NCP). « C'est ce que nous allons faire nous-mêmes dès [aujourd'hui], précise Mme Legault-Roy. Il y a une désensibilisation qui s'est installée. Devant une publicité sexiste, les gens se disent : "Ce n'est pas si mal, finalement. Il y a pire ailleurs." Il faut lutter contre la tolérance qui s'est installée. »

Des 1274 plaintes traitées par les NCP en 2014, celles concernant les publicités sexistes provenaient surtout du Québec. La question du sexisme en publicité dépasse toutefois nos frontières. 

En effet, les organisateurs du Festival international de la créativité (les Lions de Cannes) ont annoncé au début de mars la création d'un nouveau prix qui récompensera des publicités présentant une image positive des genres. Le Lion de verre, une initiative parrainée par le mouvement Lean In de Sheryl Sandberg (directrice des opérations de Facebook), vise à combattre le sexisme et à lutter contre les stéréotypes féminins et masculins en publicité. Le premier Lion de verre sera remis en juin prochain.