Il y a les mesures d'austérité, la disparition de femmes autochtones, le travail précaire, le harcèlement, la violence... Quelques milliers de femmes, mais aussi des hommes, ont marché hier dans les rues de Montréal pour dénoncer les obstacles qui se dressent encore aujourd'hui, en 2015, sur le chemin des femmes.

À l'occasion de la Journée des femmes, des marches ont eu lieu partout dans le monde, de New York à Caracas en passant par Kobane, en Syrie. À Montréal, les marcheuses s'étaient donné rendez-vous à la place Norman-Bethune, tout près de l'Université Concordia. Le cortège s'est mis en branle peu après 13h et a ensuite défilé sur la rue Sainte-Catherine au rythme des tambours, avec pour toile de fond des vitrines de commerces sur lesquelles apparaissaient parfois des photos de femmes maigrelettes vêtues de sous-vêtements. La marche s'est conclue devant le bureau du premier ministre Philippe Couillard, où quelques discours ont été prononcés.

Le thème de l'austérité, qui est de toutes les mobilisations depuis l'automne, était omniprésent sur les pancartes, dans les chansons et les nombreux discours des organisations présentes. La Presse a aussi demandé à certaines participantes d'évoquer un enjeu touchant les femmes qui leur apparaît occulté.

La culture de la militarisation

Le gouvernement canadien est en train de changer la politique canadienne à l'international, ce qui n'augure rien de bon pour les femmes, selon la Fédération des femmes du Québec (FFQ). «Sa politique est de régler les problèmes avec la militarisation et la guerre», explique Alexa Conradi, porte-parole de la Marche mondiale des femmes et présidente de la FFQ. «Partout dans le monde, les féministes sont à l'avant-plan dans les luttes pacifistes, car elles sont les premières touchées par les guerres. La militarisation est une culture autoritaire de domination, et quand ça devient la norme, on constate une augmentation de la violence envers les femmes. C'est aussi une stratégie de guerre d'utiliser les femmes comme butin de guerre.»

La vulnérabilité des travailleuses immigrantes

«La réalité des travailleuses domestiques des Philippines ou des travailleuses étrangères saisonnières en agriculture ou dans les usines est très peu connue», explique Marie Boti, porte-parole des Femmes de diverses origines, organisatrices de la marche à Montréal. «Les travailleuses domestiques ne sont pas couvertes par la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, ajoute Carole Gingras, directrice du service de la condition féminine à la FTQ. Le Québec n'a pas bougé, il y a eu deux projets de loi et on attend toujours», affirme-t-elle. Mme Boti dénonce également le statut de parrainage dans le processus d'immigration qui permet d'octroyer de façon conditionnelle une résidence permanente à une personne. «Les femmes se retrouvent à dépendre de leur mari pour leur statut, et quand il y a de la violence domestique, elles doivent rester dans des conditions terribles, sinon elles perdent le droit de vivre ici.»

Les disparitions de femmes autochtones

Même si on parle de plus en plus des 1181 femmes autochtones mortes ou disparues depuis 30 ans, la porte-parole de Femmes autochtones du Québec, Vivianne Michel, ne cessera pas de marcher tant qu'une enquête publique ne sera pas mise sur pied afin de faire la lumière sur ce problème qui perdure dans l'indifférence totale. «Il y a eu une éducation populaire qui a été faite, les gens sont plus sensibilisés et nous appuient, mais il faut une enquête. Les 1181 femmes autochtones, ça équivaut [en proportion] à 8000 Québécoises ou 30 000 Canadiennes», dit-elle. Elle ajoute que de nombreuses femmes autochtones du Québec comptent parmi les disparues, et l'organisme rédige actuellement un rapport sur cette question à l'aide de parents de disparues. Le rapport sera rendu public à l'automne.

Les femmes handicapées

Françoise David et Manon Massé, députées de Québec solidaire, participaient toutes deux à la marche montréalaise. Le parti a d'ailleurs profité de cette journée symbolique pour confier les questions de la condition féminine, qui revenaient auparavant à Mme David, à Mme Massé. Cette dernière est particulièrement sensible aux mesures économiques du gouvernement, qui nuisent beaucoup plus aux femmes qu'aux hommes, selon elle. «On parle aussi très peu de la pauvreté et de la violence des femmes handicapées physiques ou intellectuelles. Et elles sont très touchées par les mesures d'austérité du gouvernement Couillard.»

La députée fait aussi partie du comité de femmes parlementaires qui a été chargé, l'automne dernier, de concevoir une politique sur le harcèlement sexuel pour les députés et leurs employés. Le groupe se réunira d'ici deux semaines et espère fixer un calendrier pour l'élaboration de cette politique.