La suspension des contrats de location par les cégeps de Maisonneuve et Rosemont est inacceptable, a affirmé cet avant-midi le controversé imam Adil Charkaoui, qui menace de poursuivre ces institutions en justice.

Selon M. Charkaoui, qui est aussi président du Collectif québécois contre l'islamophobie, ces cégeps ont interprété de façon malhonnête le contenu de son site web pour justifier leur décision.  

«Nous rejetons catégoriquement cette suspension», a-t-il affirmé en conférence de presse, se disant «sidéré» par la décision.

Adil Charkaoui a fait valoir que Bilel Zouaida - présumément en Syrie depuis janvier - n'avait assisté qu'à deux séances de l'École des compagnons, qui s'installaient chaque dimanche jusqu'à la semaine dernière dans les locaux du Collège de Maisonneuve.

Il a ajouté ne pas connaître Shayma Senouci, aussi présumément partie en Syrie, ni aucun autre jeune qui a rejoint l'État islamique.

«C'est une vraie chasse aux sorcières», a déploré M. Charkaoui.

Cette suspension des baux est survenue dans la foulée des révélations faisant état que six jeunes de 18 et 19 ans se seraient envolés à la mi-janvier vers la Turquie, connue comme le point de passage vers les zones de combat en Syrie. Depuis, les autorités canadiennes auraient perdu leur trace.

Trois de ces jeunes avaient fréquenté l'automne dernier le Collège de Maisonneuve, ce qui a mené l'institution à faire de nombreuses vérifications et lui a permis de découvrir que l'un d'entre eux était aussi inscrit à l'École des compagnons, affiliée au centre islamique d'Adil Charkaoui.

Le Collège de Maisonneuve a indiqué jeudi que le site internet de l'École des Compagnons avait mis en ligne une vidéo faisant «la promotion de valeurs différentes des nôtres», sans toutefois fournir plus de détails. Le Collège de Rosemont a dit vouloir aussi enquêter sur l'École des compagnons  - après une situation déjà vécue impliquant une autre école - et a suspendu son bail dans l'intervalle.

Vendredi matin, M. Charkaoui a affirmé avoir appris dans les médias «comme tout le monde» que l'un de ces jeunes disparus aurait fréquenté l'École des Compagnons. Mais il n'a assisté qu'à deux cours, précise-t-il. Et il s'est ensuite désinscrit. L'école ne fait qu'offrir des cours d'arabe et l'enseignement du Coran, affirme-t-il.

Le président du Centre communautaire islamique de l'Est de Montréal a martelé que la vidéo mise en ligne est une chanson qui demande aux musulmans d'être polis et respectueux et ne comprend pas pourquoi le Collège de Maisonneuve s'en sert pour justifier sa décision. Pas de propos haineux, ni dénigrement, soutient-il.

M. Charkaoui a mis les gens au défi de trouver des liens sur le djihad sur le site de l'école. Il a déclaré qu'il était malhonnête de cibler ce fait alors que cette «bibliothèque virtuelle» offrait des milliers de documents.

Il déplore le fait que les écoles musulmanes fassent l'objet d'une enquête «jour et nuit». Pendant ce temps, «12 écoles juives sont sans permis et personne n'en parle», ajoute-t-il.

«Je suis sidéré par la logique tordue des porte-parole des cégeps et de certains pseudo-experts qui nous font porter le blâme, d'une façon ou d'une autre, sur la radicalisation des jeunes que l'on ne connaît pas, sauf un qui a suivi deux cours».

Selon cette logique, il faudrait aussi suspendre le Collège de Maisonneuve où trois des disparus ont étudié, dit-il.

Pour lui, le fait que cette école soit ainsi ciblée, «s'inscrit dans un contexte plus global au Québec de diabolisation des musulmans».

Et parce que les ministres et les élus ne sont pas «capables de mettre leurs culottes», et de défendre les minorités, cela laisse les médias faire enquête et ça mène à des révocations de permis et à des annulations d'événements, a-t-il lancé.

À la suite des déclarations d'Adil Charkaoui, le Collège de Maisonneuve a décidé de maintenir la suspension de son contrat de location avec l'École des compagnons du Centre communautaire islamique de l'Est de Montréal.

- Avec Stéphanie Marin, La Presse Canadienne