L'état des ponts et structures du réseau routier provincial varie toujours largement de région en région, malgré un redressement opéré à coups de milliards par le ministère des Transports du Québec (MTQ) depuis l'effondrement du viaduc de la Concorde, survenu en 2006, à Laval.

Selon des documents rendus publics la semaine dernière par le MTQ, qui décrivent en détail l'état général des infrastructures routières dans les 17 directions territoriales du Ministère, les réseaux routiers de plusieurs régions restent dans un état beaucoup moins enviable que la moyenne provinciale, particulièrement en milieu rural.

C'est le cas pour les ponts et des chaussées de l'ouest de la Montérégie, de la région Chaudière-Appalaches, de la Côte-Nord et du Nord-du-Québec, ainsi que des structures routières dans le Centre-du-Québec et l'Abitibi-Témiscamingue, où la proportion des infrastructures considérées comme «en bon état» reste largement inférieure à la moyenne du Québec.

La différence est encore plus marquante en comparaison de l'état des infrastructures de plusieurs régions urbanisées comme la Mauricie, l'Outaouais, la région de la Capitale-Nationale et celle de Laval-Mille-Îles.

Plus étonnant, les réseaux routiers dans les directions territoriales de Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine et du Bas-Saint-Laurent présentent eux aussi des indices beaucoup plus élevés que la moyenne du Québec, qu'il s'agisse de l'état des chaussées ou des ponts et structures.

À Montréal, l'état des chaussées, considérées comme «en bon état» dans une proportion de 82,2%, surpasse de peu la moyenne pour l'ensemble du Québec (79%). En revanche, le pourcentage de ponts et structures «en bon état» est de seulement 68,9%, ce qui est inférieur à la moyenne provinciale de 71,2%.

L'état pitoyable des structures de l'échangeur Turcot, qui doit être complètement reconstruit d'ici cinq ans, et de l'autoroute Métropolitaine, en cours de réfection, plombe toutefois cette note globale du MTQ, qui doit être interprétée avec prudence.

Comparaisons hasardeuses?

Le MTQ n'aime pas ces comparaisons entre régions, et ses spécialistes ont refusé, hier, de se prêter à cet exercice.

Selon le directeur du Laboratoire des chaussées du MTQ, Guy Tremblay, l'étendue du territoire, la nature des sols, qui change de région en région, les rigueurs climatiques, plus prononcées dans les régions nordiques, et les niveaux de sollicitation très différents des routes principales et secondaires constituent tous des facteurs qui jouent sur le comportement des chaussées.

«Les stratégies d'intervention, dans chaque direction territoriale (DT), se résument à faire le bon investissement au bon endroit au bon moment, dit-il. La sécurité des usagers est le premier facteur d'intervention, et on interviendra toujours rapidement si la sécurité du public est en jeu. Le maintien en bon état des chaussées arrive en deuxième, et les choix vont se faire dans chaque DT en fonction de divers critères, dont le volume de circulation.»

Le directeur de la Direction des structures du MTQ, Daniel Bouchard, trouve quant à lui «un peu traîtres» les comparaisons entre régions, dans la mesure où les choix d'investissement doivent être déterminés en fonction des caractéristiques propres à chaque pont ou chaque structure, et ce, peu importe où se trouvent ces structures.

«Nous sommes très conscients de ces disparités d'une région à l'autre, mais ce n'est pas en fonction de cela que nous devons investir dans les structures, dit M. Bouchard. Le premier facteur à considérer est la sécurité. Un pont peut avoir besoin de travaux mais être parfaitement sécuritaire, il peut être plus vieux, mais n'en est pas moins bon pour autant. Il rend les services qu'il doit rendre à ses usagers, et pour le Ministère, c'est la première chose qui compte, après la sécurité.»

Redressement

Les bilans de santé des chaussées et structures, rendus publics par le MTQ, illustrent l'état global des infrastructures routières à la fin de l'année 2013, et ne tiennent pas compte des investissements et travaux réalisés l'an dernier.

Ils témoignent par contre d'un redressement spectaculaire opéré par le MTQ après l'effondrement du viaduc de la Concorde, en 2006. Depuis la tragédie, qui a fait cinq morts, le pourcentage des chaussées du réseau du MTQ considérées comme en bon état est passé de 63 à 79%, toutes régions confondues.

En ce qui concerne les ponts, la proportion des structures en bon état est par ailleurs passée de moins de 55%, en 2006, à 71,2%, à la fin de 2013. Des centaines de ponts ont été reconstruits ou remplacés partout au Québec. L'ordre de priorité de ces remplacements s'est appuyé sur des critères de sécurité, précise M. Bouchard, et non pas de distribution régionale.

L'ampleur des investissements à réaliser pour remettre les structures routières en bon état, dans chaque région, n'est par ailleurs pas connue. Un indice utilisé par le MTQ, qui calcule la valeur des investissements requis en fonction de la valeur de remplacement de ces ponts, permet toutefois d'illustrer l'importance relative de ces investissements dans chacune des 17 directions territoriales du Ministère.

C'est à Montréal que cet indice est le plus élevé, essentiellement en raison du projet de reconstruction de l'échangeur Turcot, dont le coût est estimé à 3,7 milliards d'ici 2020. L'ouest de la Montérégie et l'Abitibi-Témiscamingue, qui présentent des taux de structures en bon état parmi les plus bas au Québec, arrivent derrière Montréal. La région de Laval-Mille-Îles, où des travaux majeurs sur plusieurs grands ponts sont envisagés, arrive au quatrième rang, suivie de Chaudière-Appalaches et du Nord-du-Québec.

Cinq réseaux dans un état médiocre

Chaudière-Appalaches: 73,9%

C'est le pourcentage de chaussées en bon état dans cette région, le taux le plus bas dans le sud du Québec. Le réseau y fait plus de 2700 kilomètres. Les deux tiers sont constitués des routes secondaires collectrices ou régionales, où la circulation est réduite. Sur 700 kilomètres de routes présentant des déficiences, 550 sont dans cette catégorie. Le pourcentage des ponts en bon état (70,2%) est aussi plus bas que la moyenne québécoise (71,2%). L'âge moyen de ces 496 structures dépasse 42 ans. C'est le troisième des plus vieux parcs de structures au Québec.

Ouest-de-la-Montérégie: 76,3%

C'est la proportion de chaussées dans un état satisfaisant de cette région au sud-ouest de Montréal, sous la moyenne provinciale de 79%, mais en amélioration constante. En 2006, ce taux représentait à peine 61% des chaussées sur un réseau de plus de 1600 km. Par contre, les 303 structures routières de cette région présentent un bilan peu reluisant de seulement 57,8% de ponts en bon état; 78% de ces ponts ont été construits avant 1970. L'indice qu'utilise le ministère des Transports du Québec (MTQ) pour illustrer le montant des investissements nécessaires à leur remise en état est le plus élevé au Québec, après Montréal.

Abitibi-Témiscamingue 44,3 ans

C'est la durée d'existence moyenne des ponts et structures de cette région, le plus élevé de toutes les directions territoriales du MTQ. Ces structures présentent un état médiocre: seulement 53,9% des 191 ouvrages étaient en bon état en 2013, selon les chiffres du MTQ. C'est le plus bas pourcentage au Québec. Cependant, le pourcentage des routes considérées comme en bon état dans cette direction régionale a fait un bond spectaculaire, passant de 56,3% en 2006 à 80,3% en 2013, au-dessus de la moyenne provinciale (79%).

Côte-Nord 69,6%

C'est le pourcentage de chaussées de la Côte-Nord considérées comme en bon état, le pourcentage le plus bas au Québec, à l'exception du Nord-du-Québec. La région dispose d'un réseau routier de plus de 1500 kilomètres. Des déficiences touchent plus de 400 kilomètres de routes classées «nationales». Le quart de ces déficiences sont considérées comme majeures. Les 256 ponts et structures répertoriés dans la région sont en bon état dans 63,3% de cas, un taux largement inférieur à la moyenne provinciale de 71,2%.

Nord-du-Québec 61,3%

Le petit réseau de 285 kilomètres de cette région, au nord de l'Abitibi et du Lac-Saint-Jean, est durement affecté par les rigueurs hivernales et seulement 61,3% de son étendue est en bon état. C'est déjà beaucoup mieux que les 41,7% qu'il affichait en 2006. Le réseau ne compte que 17 ponts et structures, dont près du tiers ont été construits ou reconstruits depuis 2010. Ces structures sont considérées comme en bon état dans une proportion de 70,8% - juste sous la moyenne provinciale (71,2%).