C'est à Montréal que les automobilistes reçoivent le plus de contraventions dans la province, mais c'est à Québec que les policiers imposent les amendes les plus salées, révèlent des données obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

La Presse a demandé aux plus grandes villes du Québec de lui fournir le nombre de constats et leur valeur. Ces données permettent de constater que les policiers et agents de stationnement de la métropole ont donné en moyenne 148 000 contraventions par mois depuis le début de 2014.

C'est deux fois et demie le nombre de constats donnés par les sept autres grandes villes de la province... réunies. Québec, Laval, Longueuil, Gatineau, Trois-Rivières, Saguenay et Lévis, qui affichent ensemble une population équivalente à celle de la métropole, donnent au total un peu plus de 61 000 contraventions par mois.

La Fraternité des policiers de Montréal y voit un lien direct avec les quotas que le SPVM impose à ses agents. «Je n'avais jamais vu ces chiffres, mais je ne suis pas surpris. Ça vient confirmer ce qu'on dit depuis des semaines sur les quotas de contraventions», a réagi leur chef syndical, Yves Francoeur. Le syndicat entend d'ailleurs poursuivre sa campagne contre ces demandes de rendement, étudiant la possibilité de présenter un projet de loi privé.

À la Ville de Montréal, on estime que la comparaison des contraventions avec les autres grandes villes ne tient pas compte de la densité de la circulation, beaucoup plus forte dans la métropole. En effet, les données ne permettent pas d'évaluer quelle proportion des constats d'infraction d'une ville sont donnés à ses propres citoyens plutôt qu'aux visiteurs.

Autre différence, Montréal peut compter sur quelque 130 agents du SPVM affectés spécifiquement à la circulation. Chacun doit remettre plus de 16 contraventions par quart de travail, selon la Fraternité.

Les agents de stationnement de la métropole contribuent aussi à hausser la moyenne de Montréal. Leurs contraventions représentent d'ailleurs plus des deux tiers du total. Cette proportion est nettement plus faible dans les autres grandes villes. À Saguenay, par exemple, seulement 15% des constats concernent le stationnement.

Écart avec la capitale

Si les contraventions sont nombreuses à Montréal, elles sont plus salées à Québec. Les données obtenues par La Presse démontrent que le constat moyen donné par les policiers de la capitale est de 160$, contre 121$ à Montréal. Comment expliquer cet écart alors que les montants des amendes imposées en vertu du Code de la sécurité routière sont les mêmes partout?

«Faire de la vitesse dans les rues de Montréal, c'est plus difficile que sur le boulevard Laurier [à Québec], compte tenu de la densité de la circulation et des chantiers», avance Yves Francoeur. Les contraventions pour grands excès de vitesse ont beaucoup diminué, ajoute-t-il. «Est-ce à cause des travaux? Est-ce à cause des campagnes de sensibilisation? On en attrape beaucoup moins.» Le SPVM consacre aussi beaucoup d'énergie à cibler les piétons, ceux-ci affichant un taux élevé d'accident. Or, ces contraventions rapportent seulement 52$.

Les montants des amendes liées aux règlements municipaux - et non au Code de la sécurité routière - peuvent aussi jouer un rôle. Flâner ou déambuler en état d'ivresse peut vous valoir une amende de 219$ dans la capitale, en vertu du règlement sur la paix et le bon ordre. En comparaison à Montréal, le règlement P-1 prévoit des amendes de 28$ pour flânage, 76$ pour ivresse sur la voie publique ou 148$ pour avoir consommé de l'alcool sur le domaine public.

Québec dément tout quota

La Ville de Québec, qui distribue 18 000 contraventions par mois, se défend par ailleurs d'imposer des quotas à ses agents, comme Montréal. «Il n'y en a pas. Donner des tickets, ça fait partie du travail des policiers. C'est certain que si on constate qu'un agent n'en émet pas ou peu pendant plusieurs jours, on va lui poser des questions, mais il n'y a pas de quotas comme tels», dit François Moisan, directeur des communications du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ).

La Fraternité des policiers de la Ville de Québec émet certaines réserves. «Non, tu ne trouveras pas de courriel ou de document disant qu'il y a des quotas, mais il y a beaucoup de pression de mise pour les contraventions», dit Patrick Talbot, vice-président du syndicat.

Signe que des quotas existent, dit le syndicat, la Ville de Québec l'a poursuivi quand une baisse de contraventions a été observée lors des dernières négociations pour la convention collective. «Début 2011, on a accepté un règlement pour verser un million. Alors on a beau dire qu'il n'y a pas de quotas, c'est quand même budgété, il y a des attentes», dit Patrick Talbot.

Tout comme à Montréal, le SPVQ dispose d'une escouade affectée à la circulation seulement. Mais ces 22 policiers à moto patrouillent les rues de la capitale uniquement durant la saison chaude.

- Avec Serge Laplante

Méthodologie

Au début du mois de novembre, La Presse a demandé aux 10 grandes villes du Québec de lui fournir le nombre et la valeur des contraventions données par leurs policiers et agents de stationnement. Huit administrations ont envoyé leurs informations, tandis que Sherbrooke et Terrebonne n'ont pas répondu dans le délai de 30 jours prescrit par la Loi sur l'accès à l'information. Notons que, contrairement aux autres villes participantes, Laval et Trois-Rivières n'ont pas indiqué les sommes récoltées grâce aux amendes.