Marc Lépine n'était pas qu'un fou: c'est la misogynie et l'inégalité entre les sexes qui ont permis au tireur de Polytechnique de croire qu'il avait le droit de tuer 14 femmes le 6 décembre 1989, croit Pauline Marois.

L'ex-première ministre sera présidente d'honneur du spectacle commémoratif du 25e anniversaire de la tragédie aux côtés de trois autres femmes politiques, a appris La Presse.

La seule élue à avoir dirigé le Québec a décidé de faire de la violence contre les femmes la première cause de sa carrière postpolitique. Pour elle, la solution passe principalement par la poursuite du combat pour l'égalité entre les sexes et le contrôle des armes.

L'attentat du Metropolis

Largement absente des écrans radars depuis avril, Pauline Marois évoque l'attentat du Métropolis pour expliquer - au moins en partie - son implication.

«Je ne veux pas faire de rapprochements qui seraient inexacts, mais j'ai vécu moi-même un attentat, a-t-elle confié. Mon engagement politique était attaqué, mais je crois que le fait que je sois une femme jouait aussi.»

Richard Bain et Marc Lépine «sont le fruit de nos sociétés», a évalué l'ex-politicienne. «Il peut y avoir des problèmes de santé mentale, il ne faut pas le nier. Mais reste que pour passer à un acte aussi violent, moi je crois qu'il y a profondément quelque chose dans l'inconscient: le fait qu'on puisse s'attaquer aux femmes.»

Mme Marois refuse donc de classer ces attentats comme les actes de simples fous agissant sans contexte. «Je ne suis pas de cette école», a tranché Mme Marois. Ces actes s'inscrivent «dans quelque chose de plus large».

Le 6 décembre prochain, Mme Marois participera à une vigile sur le mont Royal, avant de prononcer une allocution sur la scène du Théâtre Outremont. Sous la direction de Lorraine Pintal, 14 artistes y dédieront 14 chansons aux 14 victimes de la tuerie. Robert Charlebois et Daniel Bélanger participeront notamment à l'événement ouvert au public.

Le spectacle servira à financer les activités de la Coalition pour le contrôle des armes.

Liza Frulla, Nathalie Roy et Manon Massé seront aussi présidentes d'honneur du spectacle. «Je vois encore les cercueils tous alignés. C'était probablement les funérailles les plus tristes que j'ai vécues, s'est souvenue Mme Frulla en entrevue téléphonique. Vingt-cinq ans plus tard, c'est tout ça qui vient me chercher.»

La clinique juridique Juripop organise l'événement. «Il nous fallait une femme qui incarne bien le message que l'on veut porter, qui est un message d'égalité, de lutte contre la discrimination et la violence», s'est réjoui Marc-Antoine Cloutier, cofondateur de l'organisme. «Mme Marois est une femme politique qui n'a pas d'égale au Québec.»

Contrôle des armes

Pauline Marois était députée de l'opposition en décembre 1989, au moment de la tragédie.

«Je siégeais à l'Assemblée nationale et je me souviens très bien que Louise Harel présidait une commission parlementaire. Elle avait suspendu la commission en disant qu'un événement très grave était arrivé», s'est-elle souvenue.

«On n'arrivait pas à croire que ça ait pu se passer et que ça puisse être des femmes qui soient attaquées. Parce que c'était essentiellement ça, l'attaque de ce jeune homme [Lépine].»

Rapidement après le drame de Polytechnique, le débat public s'est engagé sur le sujet du contrôle des armes à feu. Vingt-cinq ans plus tard, le triste anniversaire est «un moment privilégié» pour remettre cet enjeu sous les projecteurs, croit Pauline Marois.

Le «gouvernement idéologique» à Ottawa n'a pas le droit de priver le Québec de la partie du Registre des armes à feu qui touche son territoire, a-t-elle plaidé. Mme Marois s'est aussi inquiétée du dernier projet de loi conservateur en la matière, qui retire aux politiciens des responsabilités quant à la classification des armes à feu.

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Ce texte a été modifié pour refléter le fait que Pauline Marois, Liza Frulla, Nathalie Roy et Manon Massé seront présidentes d'honneur du spectacle commémoratif du 25ème anniversaire de la tragédie de Polytechnique.