Pendant des années, Ama Bah a cru qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfant. La naissance de son fils Mamadou Aly relève d'un petit miracle, selon elle. Aujourd'hui, la jeune femme originaire de la Guinée est menacée d'expulsion et risque d'être séparée de son fils de 17 mois, né au Canada.

«Je suis vraiment perdue, je ne sais plus quoi faire, dit en soupirant la jeune femme de 31 ans, entre deux sanglots. Je suis complètement atterrée. Je ne veux vraiment pas laisser mon enfant derrière, je préfère ne même pas y penser.»

L'histoire d'Ama Bah n'est pas simple. Arrivée au Canada en 1999, elle a menti sur son identité (son nom d'origine est Ramatoulaye). Lorsque les autorités canadiennes ont découvert la vérité, en 2007, ils lui ont retiré son statut de réfugié et sa résidence permanente, puis ont tenté de l'expulser. Elle a obtenu plusieurs sursis en raison de son état de santé et d'une grossesse à risque en 2012. Sa santé s'étant améliorée, l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) doit la renvoyer en Guinée... sans son fils, s'il le faut.

Le père refuse de signer le passeport de son fils

Mais le drame d'Ama est que le père du petit Mamadou est marié à une autre femme. Il ne paie pas de pension alimentaire et, surtout, il refuse de signer le passeport du bambin. L'enfant ne peut donc pas partir, mais le père ne veut toujours pas s'occuper de lui.

Ama soutient qu'elle a fui un mariage forcé en Guinée. Elle affirme aussi qu'elle a été mal conseillée par un homme qui s'est fait passer pour un consultant en immigration. Elle affirme que son état de santé est toujours incertain en raison d'une condition médicale très rare qui entraîne des kystes importants à l'utérus. Tous ces éléments n'ont pas convaincu la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, qui a rejeté, le 10 septembre dernier, sa demande de résidence permanente pour considérations d'ordre humanitaire.

«C'est une chose d'être expulsée, mais c'en est une autre de partir sans son fils, souligne Anne-Marie Bellemare, travailleuse sociale à la Maison Bleue, à Montréal, qui vient en aide aux femmes enceintes. Ama n'a pas de famille ici. Je peux garder le bébé quelques semaines, mais pas plus», ajoute-t-elle.

Derniers espoirs

Tous les espoirs reposent maintenant sur son avocat, qui doit présenter aujourd'hui une demande de sursis à la Cour fédérale concernant sa demande de résidence permanente refusée. Mercredi, elle tentera aussi de convaincre un juge en droit familial de laisser partir son fils sans l'accord du père.

Même si ce juge acceptait, cela laisserait très peu de temps à Ama pour obtenir le visa et le passeport avant l'expulsion.

L'ASFC n'a pas voulu commenter le cas précis de Mme Bah. «Les meilleurs intérêts des enfants sont pris en compte à tout moment et tous les efforts sont faits pour que les familles restent unies, a indiqué le porte-parole Dominique McNeely. Mais le fait qu'un enfant est né au Canada, cela ne constitue pas un obstacle au renvoi de ses parents.»

Si personne ne peut récupérer Mamadou au moment du départ d'Ama, l'ASFC pourrait faire un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse.

De son côté, le père, qui est d'origine guinéenne et n'a pas souhaité être identifié, précise qu'il ne peut s'occuper de l'enfant, car il voyage régulièrement pour son travail. Il n'a pas voulu expliquer pourquoi il refusait de signer le passeport. «C'est très compliqué tout ça.»