Séparer le bon du mauvais dans un centre de tri est une tâche souvent bien ingrate, qui comporte son lot de risques étonnants.

Dès notre entrevue d'embauche chez le groupe TIRU, on nous a expliqué quelques consignes de sécurité, dont une, plutôt... déstabilisante.

« Quand tu travailles, ça se peut que tu sois piqué par une seringue, nous lance notre interlocutrice. Si ça arrive, tu dois aviser ton chef d'équipe immédiatement. Puis, on t'envoie à l'hôpital en taxi. Quand c'est traité dans les deux premières heures, le taux de succès est de plus de 99 %. Les seringues, il y a des diabétiques qui pensent que ça se recycle. »

Les seringues, ça se recycle bel et bien, mais pas par le bac vert, comme le font certains. Cette négligence étonnante illustre bien à quel point tout - et n'importe quoi - se retrouve sur le convoyeur d'un centre de tri.

« Ça nous crée des problèmes inouïs ! », lance Michel Camirand, directeur général de RCM, un organisme d'économie sociale qui opère un centre de tri en Mauricie. « Il y a quelques semaines, le même soir, nous avons arrêté la production trois fois parce qu'on a trouvé des seringues. » Au cours des 20 dernières années, six de ses employés ont été piqués par une seringue. Heureusement, aucun d'entre eux n'a été infecté par le VIH ou par une autre maladie.

« Chaque fois que ça arrive, j'envoie un communiqué de presse pour sensibiliser la population. Il existe des gants qui protègent contre les coupures, mais pas contre les piqûres. Certains diabétiques jettent leur récipient à seringues souillées dans le bac. Après un passage dans un camion, puis dans un convoyeur industriel, le récipient se brise et les seringues sortent. Les gens devraient tous aller porter leurs seringues à la pharmacie. Elles les reprennent gratuitement et ils doivent y aller de toute façon pour acheter leur insuline et leurs seringues neuves. »

Les seringues ne sont pas le seul danger. L'été, c'est aussi la saison du camping et des petites bonbonnes de propane. Même lorsqu'on les croit vides, elles contiennent encore un résidu de gaz qui se répand lorsqu'elles sont perforées. « On ose espérer que ça ne peut pas causer d'explosion, dit Michel Camirand. Ça nous est arrivé cinq à six fois cet été. Il faut évacuer le temps que l'odeur se dissipe. Ça peut prendre une heure. » Une heure pendant laquelle le centre doit payer ses employés, mais sans qu'aucune « production » ne soit faite.

Avec les tuyaux d'arrosage, les lumières de Noël, les seringues et les bonbonnes de propanes, n'en demande-t-on pas un peu, beaucoup aux centres de tri ? « On est obligés de vivre avec ce genre de choses, malgré la sensibilisation, lance Michel Camirand d'une voix plutôt résignée. En tout cas, ce sont les aléas du métier. »