Il cause une usure prématurée des équipements, il contamine les papiers et les plastiques et, en plus, il faut payer pour s'en débarrasser, à supposer qu'il trouve preneur ! Le verre est une matière maudite dans l'industrie du recyclage.

L'usine Klareco de Longueuil, qui conditionnait 70 % de tout le verre récupéré au Québec, a fermé ses portes en avril dernier. Depuis, la matière s'accumule. Assez pour que Recyc-Québec songe à mettre en place des lieux de stockage régionaux pour soulager les centres de tri.

Klareco souhaitait obtenir de 15 à 25 $ pour chaque tonne de verre qui entrait dans son usine. Une manière de payer pour l'enfouissement de tous les déchets que contient le verre en provenance des centres de tri.

« Mais personne ne voulait payer. Peu importe comment vous l'évaluez, on ne peut pas vivre sans frais de traitement avec la valeur du verre dans le marché actuellement. On a fait plus que ce qu'on aurait dû faire et personne ne nous prenait au sérieux. On a perdu des millions de dollars dans l'aventure », déplore Johnny Izzy, directeur général de Gaudreau Environnement, qui possédait l'usine Klareco.

La consigne, une solution ?

Pour certains, la consigne des bouteilles de vin serait la solution miracle qui permettrait d'éliminer les contaminants. Mais voilà : le verre de couleur verte trouve plus difficilement preneur - et c'est la couleur qu'on retrouve en écrasante majorité dans les bouteilles de la SAQ.

La multinationale Owens Illinois, établie à Montréal, pourrait prendre plus de verre pour la fabrication de ses bouteilles, mais elle en fabrique seulement de couleur claire et ambrée.

Des marchés, il y en a ailleurs, rétorque Michel Marquis, propriétaire de 2M Ressources à Saint-Jean-sur-Richelieu. Ironiquement, l'entreprise traite les bouteilles de vin et de spiritueux consignées de l'État du Vermont.

« Dire qu'il n'y a pas de marché, c'est erroné. Il y en a pour le tonnage qu'on décidera de faire. Il faut simplement avoir un verre propre, sans contaminants, ce que la collecte sélective ne nous permet pas présentement », s'insurge celui qui plaide farouchement pour une consigne sur les bouteilles de vin.

La SAQ ferme la porte...

La consigne, la SAQ ne veut pas en entendre parler. « Pour nous, le débat est clos », lance sans détour Mario Quintin, directeur du développement durable de la société d'État.

Avec 200 millions de bouteilles mises en marché, la SAQ estime qu'un système de consigne coûterait 40 millions de dollars annuellement, selon une évaluation faite à l'interne.

« Nous avons d'excellents comptables à la SAQ qui ont sorti les données. C'est une évaluation maison, ce n'est pas vraiment un document. » Impossible, donc, d'obtenir « l'évaluation ».

Une solution coulée dans le béton

Pour régler le problème du verre, la SAQ fonde beaucoup d'espoirs sur une usine qui vient de commencer ses activités à Lachute.

La nouvelle usine de Tricentris pourra traiter 60 000 tonnes de verre annuellement lorsqu'elle aura atteint sa vitesse de croisière. Environ 90 % du verre traité ira vers des marchés déjà connus, comme le sablage au jet d'air et la laine minérale. La nouveauté, c'est la micronisation du verre :  6000 tonnes pourront être converties en additif cimentaire. L'industrie a déjà commencé à tester la poussière de verre et elle permet de produire un béton plus résistant et plus imperméable. 

« On y va étape par étape. Si ça fonctionne bien et qu'on réussit à écouler nos produits, on pourra mettre en place une deuxième phase qui nous permettrait de produire 30 000 tonnes de poussière de verre supplémentaires en février », explique Frédéric Potvin, directeur général de Tricentris, un organisme à but non lucratif qui gère également trois centres de tri dans les Laurentides et l'Outaouais.

Alors que dans la refonte de bouteilles, le pyrex et la porcelaine sont des contaminants, ils ne posent pas problème une fois réduits en poussière pour le béton. La poussière de verre serait aussi accessible à des prix concurrentiels par rapport aux autres additifs utilisés jusqu'à maintenant. Mais le test réel du marché n'a pas encore été fait.

L'exemple ontarien

Chez nos voisins ontariens, les bouteilles de vin et de spiritueux sont consignées depuis 2007. « Ça a été très bon pour le recyclage du verre. La matière est plus propre et on a moins de pertes », explique Scott Van Rooy, directeur de l'usine de NexCycle à Guelph, où sont acheminées les bouteilles de la LCBO.

Et pas de problèmes de marché. Le verre clair et ambré est utilisé pour la fabrication de nouvelles bouteilles, notamment chez Owens Illinois à Montréal et dans l'État de New York. Le verre de couleur verte est destiné à la production de laine minérale.

Mais la consigne ne règle pas tout. En fait, la qualité du verre qui demeure dans la collecte sélective se détériore. « Vous aurez toujours du verre dans le bac de récupération. Vous devez donc y être préparé », ajoute Scott Van Rooy.

S'adapter, ça veut dire exiger des frais d'entrée pour le verre issu du bac. Des frais qui couvriront le transport et l'enfouissement des contaminants. Bref, ce que Klareco a tenté en vain d'obtenir au Québec. « Nous demandons des frais de transport et de traitement de 15 à 25 $ la tonne. C'est significatif, mais c'est encore moins cher payé que l'enfouissement », affirme-t-il.

La modernisation de la consigne

Le système de consigne au Québec n'a pas été dépoussiéré depuis longtemps. En vigueur depuis 1984, il vise toujours les mêmes contenants et le montant de la consigne n'a pas changé.

Si les canettes de boissons gazeuses et de bières sont consignées, celles de jus de légumes ne le sont pas au Québec. Certaines boissons énergisantes sont visées par la consigne, si elles sont sucrées et pétillantes. Bref, un système à géométrie variable. Recyc-Québec a amorcé une révision du système, qui devrait être achevée en 2014.

Recycler le verre

Le verre a le potentiel de se recycler à l'infini et chaque tonne refondue permet d'éviter l'émission de 500 kg de CO2. Il faut en effet moins d'énergie pour refaire une bouteille avec la matière recyclée qu'avec la matière vierge, la silice. Malgré tout, le verre récupéré n'est pas concurrentiel avec la matière première. La silice, du sable, se retrouve en quantité abondante et son prix est relativement bon marché. La matière première ne contient pas de contaminants.

Silice

Prix moyen au Québec en 2012

37,20 $ la tonne

Verre non décontaminé

Prix moyen à la tonne à la sortie des centres de tri en 2012

Mélangé : -12 $ la tonne (les centres de tri devaient payer pour s'en débarrasser)

Incolore : 33 $ la tonne

Vert et brun : 15 $ la tonne