Poussée par une croissance fulgurante, la Chine a un appétit vorace pour les matières premières. C'est vrai dans le domaine minier, mais c'est également vrai pour votre bac de recyclage.

Premier acheteur mondial

La Chine est le premier acheteur mondial de matières recyclables. La scrap, comme disent nos voisins du Sud pour désigner ces déchets récupérés, est d'ailleurs la première exportation américaine vers la Chine. Certains facteurs, comme les coûts de main-d'oeuvre moins élevés, expliquent qu'il y est rentable de trier de nouveau la matière provenant des pays industrialisés. L'autre facteur est notre grande consommation de produits fabriqués en Chine. Dans tous les pays industrialisés, de grands navires déversent les produits chinois. Plutôt que de repartir à vide, ils se rechargent notamment de ballots de papier. Le transport vers la Chine est donc très facile et abordable.

La « Green Fence »

Les préoccupations environnementales commencent à émerger en Chine. Depuis février, l'empire du Milieu a mis en application sa législation de la « Green Fence ». La politique resserre l'importation de matières récupérées. Les sacs et pellicules de plastique post-consommation, par exemple, ne sont plus acceptés. Des agents chinois inspectent les conteneurs à leur point de départ, mais aussi à leur arrivée. Les matières trop contaminées doivent être reprises aux frais de leur expéditeur. Il y a peu de risques qu'elles retournent à leur point d'origine, cependant. Les courtiers les déroutent vers d'autres pays asiatiques aux réglementations plus permissives. La politique de la « Green Fence » devait en principe se terminer en novembre, mais on s'attend à ce qu'elle soit prolongée.

Un hélicoptère dans le recyclage

En août, le Guardian a indiqué que 800 000 tonnes de matières ont été refusées par la Chine depuis l'entrée en vigueur du dispositif « Green Fence ». Être le premier acheteur mondial de matières recyclables comporte son lot de problèmes. « Ils ont constaté qu'il y avait des exportations illégales provenant de différents pays. Parfois, c'était des déchets à grande échelle et parfois, de la contrebande », explique Francis Veys, directeur général sortant du Bureau of International Recycling (BIR), joint à Bruxelles. Un cas remarquable ? Un hélicoptère ! L'appareil d'une valeur de 170 000 $US était en pièces détachées dans 28 conteneurs de matières plastiques. Les autorités douanières ont fait cette découverte en janvier 2013.

Des prix à la baisse

L'application de la « Green Fence » s'est combinée à une économie mondiale chancelante. Le prix des matières récupérées est donc à la baisse depuis quelque temps. Mais la politique de la « Green Fence » tient peut-être aussi de la stratégie d'affaires, selon Francis Veys, du BIR. « Ils pourraient très bien faire pression à l'arrivée en disant : "ce n'est pas exactement la qualité qu'on a demandée", tout ça pour faire pression sur les prix. Ce n'est pas du tout impossible. »

Le coût environnemental

Envoyer notre papier se faire recycler en Chine a un coût environnemental. « En Chine, l'électricité émet de 200 à 400 fois plus de GES qu'au Québec et ça prend beaucoup d'électricité pour recycler du papier », indique Claude Villeneuve, titulaire de la Chaire en éco-conseil de l'UQAC. « Ça provoque des problèmes environnementaux partout dans le monde. Il y a des émissions de GES beaucoup plus grandes que celles qu'on aurait ici. La seule manière de déterminer l'impact environnemental réel du recyclage, c'est de le faire chez nous. Parce qu'on est capable d'avoir accès aux données », ajoute le spécialiste des changements climatiques.