La patronne de l'agence d'escortes mêlée à la démission du maire de Laval jure qu'elle aurait préféré ne jamais parler publiquement d'un client.

Si elle a choisi de le faire, c'est parce qu'elle était choquée par l'attitude cavalière d'Alexandre Duplessis envers la prostituée qu'elle lui avait envoyée, prétend-elle. Et parce qu'elle n'acceptait pas la version des faits qu'il avait donnée à la police et aux médias.

Soupçonnées d'avoir voulu extorquer de l'argent au maire de Laval en échange de leur silence sur son recours à une agence d'escortes, deux jeunes femmes ont récemment été arrêtées par la SQ et relâchées sous promesse de comparaître. Leur patronne, qui n'était pas présente lorsque le conflit est survenu, a elle aussi tenté d'obtenir de l'argent du maire, mais seulement parce que ses employées disaient ne pas avoir été payées par un client radin, explique-t-elle.

«La seule chose que je voulais, c'est que la fille soit payée pour les services rendus. À partir de là, après, mon but, ce n'était pas de le faire chanter. Une vie sexuelle, c'est personnel. S'il avait voulu la dévoiler, il l'aurait dévoilée par lui-même», dit-elle.

«Sauf que là, ç'a été loin dans les choses. Et qu'il dise que c'est des menteries, qu'il n'a jamais eu des faveurs ou qu'il n'a jamais contacté... Ce n'est pas vrai», ajoute la dame.

C'est une femme d'affaires posée qui parle. Une femme qui connaît visiblement bien la loi et la mince ligne à ne pas franchir pour éviter d'être arrêtée lorsqu'on offre des services sexuels. Et une gestionnaire qui fuit généralement la publicité comme la peste, afin que les clients continuent de compter sur sa discrétion.

«Il y a le secret professionnel que j'ai toujours gardé, mais il a fallu faire ce qu'il fallait faire, car il [Duplessis] n'a pas payé et il n'a pas joué honnête», dit-elle.

«C'est un politicien, le maire de Laval. C'est la première tête qui a le contrôle, qui est supposée être honnête avec la population», ajoute la trentenaire, qui dit «organiser» la prostitution, mais se défend bien d'être proxénète, car elle ne moleste pas les escortes ni ne les exploite, dit-elle.

Elle confirme par ailleurs que Duplessis n'aurait pas demandé une relation sexuelle avec l'escorte, mais plutôt des jeux de rôles coquins avec déguisement, tout cela en buvant du vin.

Puis est survenue une mésentente sur l'argent, lui aurait raconté son employée. «Il y a eu un litige. Je pense qu'il a dû penser qu'elle l'avait reconnue et ça n'a pas fait son affaire, alors il a demandé de terminer», dit-elle.

L'escorte aurait été mise à la porte cavalièrement du chalet des Laurentides où elle avait rejoint le maire, selon elle. «En plein milieu du bois, pas de lumières, pas de lampadaires, rien», lance-t-elle avec dégoût.

Elle se dit incapable de prouver que l'escorte et sa chauffeuse n'ont pas été payées, comme elles le prétendent. Mais elle fait confiance à l'enquête des policiers de la SQ, dont elle a apprécié l'attitude.

«Ils ont traité le dossier comme si c'était un citoyen bien ordinaire. Ça s'est bien passé. Ils ont fait le travail qu'ils avaient à faire», raconte-t-elle.