Délais trop longs, manque d'empathie pour les victimes, des plaignants laissés sans nouvelles: plusieurs groupes perdent patience envers la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). Exaspérée, l'Organisation des femmes philippines du Québec (PINAY) poursuit même en justice la Commission.

Cette poursuite est une première en plus de 35 ans d'existence pour l'organisme, dont la mission est de faire respecter les principes de la Charte des droits et libertés de la personne.

Intentée par neuf femmes venant des Philippines, la poursuite est parrainée par l'organisme PINAY. «C'est une question de justice et d'honneur. Et, aussi, afin que d'autres femmes ne vivent pas ce que nous avons vécu», lancent-elles d'une seule voix.

La cause sera entendue devant la Cour supérieure en octobre. Dans la requête introductive d'instance, les plaignantes reprochent entre autres à la Commission d'avoir pris trop de temps, d'avoir accumulé les erreurs factuelles, et le manque de considération des enquêteurs.

«Ces femmes ont perdu confiance envers le système de justice au Québec. C'est aussi pour cette raison qu'elles désirent se battre», explique l'avocate des plaignantes, Me Heidy Melissa Arango.

Intervention demandée

En parallèle, le Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR) demande au ministre de la Justice de faire la lumière sur les «sérieux problèmes dans le traitement des plaintes», particulièrement pour les cas de profilage racial.

«Dans trois cas impliquant un total de neuf personnes de race noire, des demandes écrites de renseignements et d'explications concernant certaines pratiques d'enquête discutables, adressées aux gestionnaires, sont demeurées lettre morte pendant des semaines», écrit le CRARR dans un communiqué.

Une opinion partagée par le Conseil pour la protection des malades. «On se demande si ce n'est pas une belle bureaucratie qui s'est enlisée», dénonce Paul Brunet, président.

L'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées va plus loin en demandant l'intervention du Vérificateur général. Une requête appuyée par plusieurs organismes et qui sera dévoilée ce matin.

Du côté de la CDPDJ, on admet que la poursuite de PINAY est «exceptionnelle», mais on refuse toutefois de parler de délais déraisonnables dans le traitement des plaintes. «On travaille bien et on fait ce que nous avons à faire. Les plaintes sont traitées en moyenne dans un délai de 161 jours», fait valoir le président de la Commission, Gaétan Cousineau.

Le président réfute également les critiques entourant les enquêtes, indiquant que «le personnel suit régulièrement des formations pour bien intervenir auprès des plaignants», dit-il.

En 2011 et 2012, la CDPDJ a enregistré une augmentation de 38% des nouveaux dossiers d'enquête comparativement à l'année précédente, et de 49% par rapport à l'année 2009-2010.