La FTQ-Construction a beau s'en défendre depuis des années, elle est responsable d'un système de placement syndical dans la région de la Côte-Nord, marqué par l'intimidation et la discrimination.

Du coup, les employeurs n'ont aucune lattitude pour l'embauche et les mises à pied. Seules les personnes approuvées notamment par l'agent d'affaires Bernard Gauthier, alias «Rambo», peuvent travailler dans les chantiers de construction, a constaté la Commission des relations du travail.

Dans une décision rendue jeudi dernier après l'audition d'une «preuve accablante», la Commission des relations du travail (CRT) donne raison à Harold Richard, travailleur membre de la CSN-Construction. M. Richard soutenait avoir été mis à pied en septembre 2009 de l'entreprise Les Équipements Nordiques en raison de son allégeance syndicale et à la suite des pressions exercées par Rambo, de l'Union des opérateurs de machinerie lourde (local 791), et Michel Bezeau, agent d'affaires pour l'Association des manoeuvres internationaux (AMI).

«La Commission conclut que Gauthier et Bezeau ont mis sur pied un système de placement impliquant les employeurs de la Côte-Nord» et que «la FTQ-Construction est responsable des actes du local 791 et de ceux de Gauthier», peut-on lire dans la décision de 129 pages.

Intimidation et menaces

Pour la commissaire Kim Legault, il est clair que la concurrence syndicale a donné lieu ici à des abus qui contreviennent au pluralisme syndical reconnu par la loi R-20. Mme Legault a retenu la preuve présentée par le plaignant voulant que, dans tous les chantiers concernés, «la FTQ-Construction a usé d'intimidation et de menaces pour assurer le placement prioritaire de ses membres» et que «les coûts associés aux moyens de pression exercés par le syndicat sont tels que les employeurs sont forcés à la complaisance».

Pour sa défense, la FTQ-Construction a prétendu qu'elle ne pouvait être poursuivie pour les actes de ses syndicats affiliés ou de leurs agents d'affaires. La commissaire a surtout retenu que «la FTQ-Construction s'est contentée d'attaquer la crédibilité des témoins du plaignant». Or, sept témoins, non contredits, ont affirmé à la CRT que chez Les Équipements Nordiques, l'embauche d'un travailleur qui n'est pas syndiqué avec la FTQ-Construction «devait être autorisée par ses agents d'affaires sous peine de représailles».

En deux semaines, Harold Richard a été congédié coup sur coup de deux chantiers. Chaque fois, Rambo y a été vu quelques heures avant que l'employeur ne prévienne M. Richard que ses services n'étaient plus requis. Pour M. Richard, il est devenu évident que l'homme fort de la FTQ-Construction sur la Côte-Nord a exercé des pressions pour le pénaliser, puisqu'il avait changé d'allégeance syndicale quelques mois auparavant.

La CRT n'a pas décidé pour l'instant des «mesures de réparation» à imposer si nécessaire. Le plaignant réclamait d'être réintégré dans son emploi, avec le paiement du salaire et des avantages perdus. De plus, Harold Richard a demandé que la FTQ-Construction lui verse une somme de 50 000$ à titre de dommages-intérêts punitifs.

Problème bien ancré

Au-delà du dossier de M. Richard, la CRT a analysé l'existence d'un système d'intimidation et de discrimination. Bernard «Rambo» Gauthier est au coeur du problème, qui est bien ancré dans tous les chantiers d'importance de la Côte-Nord. Ainsi, les travailleurs de la FTQ-Construction «ont même la possibilité de choisir leur employeur ou leur chantier et le nombre d'heures travaillées».

C'est pour des situations comme celles-là que le gouvernement libéral avait fait adopter la Loi éliminant le placement syndical (loi 33).

L'application de la loi a toutefois été reportée sous le gouvernement péquiste. C'est la Commission de la construction du Québec qui doit prendre le relais des syndicats à compter du mois de septembre.