Au moment même où le gouvernement du Québec commande une étude pour tenter d'endiguer la violence dans les arénas, les projecteurs se tournent vers le soccer. Insultes, racisme, menaces, crachats, bousculades, coups de poing: l'intimidation et la violence chez les joueurs de 12 à 17 ans ne font plus aucun doute, affirment les auteurs d'une étude québécoise. Et les conséquences de ces comportements peuvent parfois s'avérer dramatique, comme en fait foi l'histoire du jeune Jeremy Spiro.

La dernière année a été un véritable calvaire pour Jeremy Spiro. Plutôt que de passer ses journées à l'école avec ses amis, l'adolescent a dû réapprendre à marcher, à parler et à manger.

Le garçon n'a pas été victime d'un accident ou atteint d'une maladie foudroyante. Il s'est retrouvé dans le coma après qu'un jeune adversaire lui a botté la tête durant une partie de soccer amateur.

Depuis le terrible événement, la famille de Jeremy tente d'obtenir justice devant les tribunaux pour cet acte qu'elle qualifie «d'intentionnel» et «d'illégal» et qui n'est malheureusement pas un cas isolé sur les terrains de ballon rond du Québec. Comme lors de récents procès pour voies de fait dans la foulée de batailles au hockey junior, la poursuite croit que l'attaque dépasse le cadre du simple jeu.

Le 13 octobre 2011, une partie entre les écoles secondaires Rosemere High et Lower Canada College a dégénéré. Après 47 minutes de jeu et même si son équipe menait la partie 4 à 0, un attaquant de Rosemere High a foncé vers Jeremy, qui venait d'intercepter un ballon, et, selon une requête que la famille Spiro a déposée devant les tribunaux il y a quelques mois, lui aurait assené un violent coup de pied à la tête avant de s'écrier: «Je l'ai tué! Je l'ai tué!» Il serait ensuite allé rire des coéquipiers de sa victime et aurait injurié l'arbitre.

Le jeune gardien de but a perdu connaissance sur le champ. L'impact du pied de son adversaire sur son crâne aurait retenti sur le terrain. L'assaillant a été immédiatement expulsé de la partie et Jeremy transporté d'urgence au centre de traumatologie de l'hôpital du Sacré-Coeur.

Il a passé quatre semaines dans le coma, six aux soins intensifs. Les médecins ont dû lui retirer temporairement une portion de l'os crânien pour contrôler l'enflure de son cerveau. L'adolescent a ensuite passé trois mois au centre de réadaptation Marie-Enfant, où il a réappris à marcher, à manger et à parler. Il n'a pu réintégrer l'école que très récemment. Il dit ne garder aucun souvenir de la partie du 13 octobre. Selon la poursuite déposée par sa famille, qui, ébranlée, n'a pas souhaité nous accorder une entrevue, «sa blessure le laissera avec des séquelles neurologiques, physiques et psychologiques».

Pour les Spiro, le drame aurait dû être évité. Selon eux, autant l'école que la ligue, la commission scolaire et les parents de l'assaillant de leur fils auraient pu prévenir l'attaque à l'endroit de Jeremy. «[L'agresseur] avait un historique de troubles du comportement à l'école», écrivent-ils, alléguant aussi que le garçon, dont nous avons choisi de taire le nom, car il a été impossible de joindre ses parents, avait déjà montré des comportements agressifs dans le cadre d'activités sportives. Selon eux, ni les parents, ni la ligue ou l'école n'auraient dû laisser le défendeur jouer au soccer. «En plus, l'entraîneur de l'équipe aurait dû contrôler ses joueurs», disent-ils.

Ni la commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier, ni la ligue responsable de la partie, la Greater Montreal Athletic Association, n'ont répondu à nos demandes d'entrevues dans le cadre de cette histoire.

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75% des joueurs de soccer âgés de 12 à 17 ans inscrits en sport-étude au Québec sont témoins d'intimidation physique.

59% des joueurs du même groupe se disent victime de violence physique sur les terrains de soccer de la province.

46% des joueurs admettent qu'ils intimident les autres verbalement.