Gilles Vaillancourt est un politicien corrompu et les allégations qui se multiplient à son endroit ne sont pas étonnantes, selon la grande majorité des Lavallois. Toutefois, le vide politique est si grand à Laval que l'homme qui y règne en maître depuis plus de deux décennies pourrait bien être réélu s'il brigue à nouveau les suffrages dans cette ville en 2013.

Voilà ce qui ressort d'un sondage CROP réalisé à Laval pour évaluer la perception des citoyens par rapport à la corruption municipale.

Dans la foulée des récentes perquisitions de l'Unité permanente anticorruption aux résidences du maire Vaillancourt, ainsi que des révélations-chocs de l'ex-entrepreneur Lino Zambito à la commission Charbonneau - selon lesquelles le maire touche une «cote» de 2,5% sur les contrats municipaux -, La Presse a voulu tâter le pouls des Lavallois.

Leur verdict est sans appel.

Les trois quarts (75%) des Lavallois ne sont pas surpris des récentes allégations de corruption contre le maire Vaillancourt. Pas moins de 68% d'entre eux jugent que ces allégations sont bel et bien fondées. Seuls 12% n'y voient aucun fondement.

Malgré ces résultats sans équivoque, seuls 37% des Lavallois réclament le départ immédiat de leur maire.

«Le paradoxe de ce sondage, c'est que les gens ne se disent pas surpris, mais que seul le tiers d'entre eux demandent la démission du maire. Un peu comme si les gens s'y attendaient, comme si ça faisait partie des moeurs politiques», explique Youri Rivest, vice-président de la maison CROP.

Résignation? Peut-être. Mais il y a au moins une autre explication: Gilles Vaillancourt, qui dirige les destinées de leur ville depuis 1989, n'a pratiquement jamais eu à faire face à une opposition forte et crédible.

Les révélations des dernières semaines n'y changent rien: si des élections municipales avaient lieu aujourd'hui à Laval, Gilles Vaillancourt obtiendrait le même résultat que ses deux principaux opposants, Lydia Aboulian et Robert Bordeleau: 15% des voix, selon notre sondage.

Cette situation n'est pas nouvelle. Celui que l'on surnomme le «maire à vie» de Laval a toujours obtenu des majorités confortables aux scrutins municipaux; aucune équipe n'a jamais réussi à s'imposer contre son tout-puissant Parti du ralliement officiel. Depuis 2001, le maire dirige même sa ville sans la moindre opposition.

D'ailleurs, le parfum de scandale qui plane sur l'hôtel de ville n'empêche pas 23% des citoyens de penser que Gilles Vaillancourt devrait terminer son mandat - et se représenter aux prochaines élections.

«Il y a un certain vide de leadership à Laval. D'une part, Gilles Vaillancourt n'est plus le favori dans la course à la mairie. Les trois candidats sont au coude à coude. Près d'un citoyen sur deux ne saurait pour qui voter, analyse M. Rivest. De plus, aucune autre personnalité ne semble s'être imposée pour le moment.»

Serge Ménard en tête

En effet, aucun «sauveur» ne se démarque réellement pour redresser la situation dans l'île Jésus.

Si le maire démissionnait, l'ancien ministre péquiste Serge Ménard aurait l'appui de 14% des Lavallois pour le remplacer, selon notre sondage.

En novembre 2010, M. Ménard a lui-même jeté un pavé dans la mare en affirmant que Gilles Vaillancourt lui avait glissé entre les mains une enveloppe pleine d'argent comptant pour financer sa campagne électorale.

M. Ménard est suivi de la chef du Mouvement lavallois, Lydia Aboulian (8%), de l'ancienne ministre libérale Michelle Courchesne (7%) et de l'ex-ministre péquiste Joseph Facal (7%). Encore une fois, personne ne fait l'unanimité: au sujet du candidat idéal, 39% des Lavallois sont indécis ou refusent de répondre.

Rumeurs de copinage, d'enveloppes brunes, de collusion avec des promoteurs: au fil des scandales, ils ont été nombreux à prédire la fin du «roi de Laval».

Mais jusqu'ici, Gilles Vaillancourt a toujours tenu bon. Il peut encore compter sur un solide réseau de contacts patiemment tissé dans toutes les sphères de la vie lavalloise.