En 30 ans, Antonio Accurso a littéralement bâti un empire de la construction au Québec, qui est aujourd'hui deux fois plus important que son plus proche concurrent. Les succès de l'homme d'affaires ont toutefois été jalonnés de scandales.

> Portrait de l'empire Accurso

Graphique de l'empire Accurso

Les débuts de son ascension remontent à 1982, à la mort de son père Vincenzo. Tony Accurso, alors âgé de 30 ans, reprend l'entreprise familiale Louisbourg Construction avec son beau-frère, Mario Taddeo. L'entreprise, qui comprend une carrière, ne comptait que 75 employés, contre 3500 aujourd'hui.

Le père de Tony, Vicenzo, était arrivé au Québec en 1922 parmi les vagues d'immigrants italiens qui fuyaient la misère après la Première Guerre mondiale.

En 1987, un premier drame frappe la famille Accurso: le partenaire Mario Taddeo et un de ses employés se font assassiner par un tueur masqué, au fond de la carrière Mirabel. Les policiers n'ont jamais porté d'accusation dans cette affaire. L'enquête avait catégoriquement écarté Tony Accurso comme suspect.

Pour appuyer la croissance de son entreprise, dans les années 80, Tony Accurso fait appel à son ami Louis Laberge, alors président de la FTQ et du nouveau Fonds de solidarité FTQ. Accurso peut notamment compter sur l'appui du Fonds FTQ dans son acquisition d'un centre commercial en faillite à Laval, en 1994, les Galeries Laval. Tony Accurso y établit un resto-pub, Le Tops, et un salon de pari.

C'est dans ce pub que l'entrepreneur Lino Zambito dit avoir rencontré le chef de la mafia, Vito Rizzuto, au cours des années 2000. Dans son témoignage à la commission Charbonneau, la semaine dernière, Zambito soutient que la rencontre visait à régler un litige concernant un contrat de construction du ministère des Transports du Québec, que Tony Accurso convoitait également.

En 1999, le groupe Accurso prend une grosse bouchée, en faisant l'acquisition de Simard-Beaudry Construction avec le Fonds FTQ pour la somme de 40 millions de dollars.

L'achat de Simard-Beaudry, entreprise inscrite en Bourse, suscite la grogne des petits actionnaires. En effet, l'offre du tandem Accurso-FTQ, à 5,75$ par action, est moindre que celle de la firme française Sintra. La transaction passe tout de même parce que les deux actionnaires majoritaires ont accepté de céder le contrôle à ce prix. L'actif est stratégique pour le Québec, fait-on valoir.

En décembre 2000, nouvelle acquisition majeure: le groupe met la main sur l'essentiel des actifs de Beaver Asphalte, en faillite. Il s'agit de l'entreprise qui a été impliquée dans la construction du viaduc du Souvenir, à Laval, qui s'était effondré quelques mois plus tôt.

Ces deux transactions permettent au groupe Accurso d'accaparer une grande part de marché au Québec et de s'approprier des carrières d'agrégats, un grand avantage concurrentiel. Le groupe fait des affaires d'or.

Les années 2000 filent à vive allure jusqu'aux perquisitions de l'Agence du revenu du Canada, en 2008. L'agence confie le dossier au module des enquêtes criminelles. Il mènera aux accusations de fraude fiscale contre Louisbourg et Simard-Beaudry, en décembre 2010. Les deux entreprises se reconnaissent coupables d'avoir fraudé le fisc de 4,1 millions, notamment au moyen de fausses factures.

Entre-temps, le groupe Accurso réorganise sa structure juridique. La restructuration de 2008 lui permet de conserver ses licences malgré les diverses enquêtes. Le stratagème lui permettra aussi d'économiser plus tard 45 millions de dollars d'impôts dans ce qui est considéré comme de l'évitement fiscal, a récemment révélé La Presse.

À partir de 2009, les médias, notamment Radio-Canada, enquêtent sur les affaires du groupe Accurso, notamment sur ses liens avec le Fonds FTQ. Ils constatent également que plusieurs hommes d'affaires et politiciens importants ont séjourné sur son bateau, le Touch.

La Presse révèle entre autres que Frank Zampino, président du comité exécutif de la Ville de Montréal, est allé en croisière sur le yacht de M. Accurso au moment où la Ville s'apprêtait à accorder le plus important contrat de son histoire, celui des compteurs d'eau, à une de ses entreprises et à la firme d'ingénieurs Dessau.

En 2012, c'est l'avalanche de mauvaises nouvelles pour Tony Accurso: l'homme est arrêté à deux reprises. Il est accusé de corruption dans l'affaire de Mascouche et à l'égard de fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada. De plus, le groupe Accurso a récemment fait l'objet de perquisitions, notamment de l'escouade Marteau et de l'Agence du revenu du Québec.

-Avec le texte «La naissance d'un géant», d'André Noël (18 avril 2012)