Une nouvelle crise alimentaire est à nos portes. «Elle va arriver, en raison de la flambée du prix des céréales», dit Michel R. St-Pierre, président du cinquième Congrès mondial des agronomes, qui s'ouvre lundi à Québec. La sécheresse aux États-Unis et en Russie a fait bondir de 17% l'indice FAO du prix des céréales en juillet, faisant craindre le pire.

«Cela créé une famine additionnelle, qui s'ajoute à celle qui est endémique», constate l'agronome. Déjà, un milliard d'humains ont faim. En 2050, la population mondiale dépassera neuf milliards. Pour espérer les nourrir tous, il faut augmenter la production alimentaire de 70%, calcule la FAO. C'est le plus grand défi du 21e siècle, disent les agronomes.

Le Québec - qui comptera neuf millions d'habitants en 2050 - ne saurait calmer la faim de la planète, mais peut très bien agir comme lieu d'échange. L'objectif du congrès: trouver des solutions «réalistes et durables» pour nourrir le monde.

Terres agricoles en friche

Sans rêver en couleurs, «le Québec peut améliorer son taux d'autosuffisance, assure M. St-Pierre, ex-sous-ministre au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ). On a encore un million d'hectares de terres zonées «agricoles», qui ne sont pas en exploitation. Il y a certainement une diversification de nos productions qui pourrait s'y faire.»

«On n'est pas une puissance agricole, mais avec ce qu'on a, c'est sûr qu'on peut produire plus et mieux, corrobore René Mongeau, président de l'Ordre des agronomes du Québec. Tout dépend de la volonté politique: tant qu'on n'aura pas une politique agricole claire, avec pour objectif la multifonctionnalité de l'agriculture, on aura de la misère à revaloriser ces territoires.»

Le Québec produit du maïs, du soya et du blé, mais délaisse d'autres céréales comme l'avoine et l'orge. «Ça a un impact sur nos régions périphériques», observe M. Mongeau. Il faut diversifier notre agriculture, répondre à la demande, au lieu de produire en fonction des programmes de soutien, en s'endettant toujours plus.

Diversifier prend encore plus de sens dans les pays qui se sont convertis à la monoculture, comme le Mali. Incapable de vendre son coton à prix concurrentiel, le cas du Mali «démontre à quel point il est temps qu'on revoie ces politiques», souligne M. St-Pierre.

Préservation de l'eau

Autre enjeu important mis en lumière par la sécheresse aux États-Unis: la préservation de l'eau. Au total, 70% des prélèvements d'eau dans le monde servent à l'agriculture. «Au Québec, où 2% de l'eau va à l'irrigation, ce n'est pas un enjeu, dit M. Mongeau. Mais en Californie, où on note la réduction des nappes phréatiques, on comprend que l'agriculture a une fragilité insoupçonnée.»

Le rôle des marchés financiers - où s'échangent des produits dérivés agricoles - est aussi crucial que difficile à influencer. «L'agriculture est devenue une valeur spéculative, mais je ne sais pas si un jour on structurera cela, note M. Mongeau. Au Québec, on a fait le choix d'avoir l'assurance stabilisation des récoltes pour assurer un revenu à la ferme, mais ce système s'essouffle.»

«On n'a pas de baguette magique, convient M. St-Pierre. On veut réunir des gens. Pour régler le problème, il faut qu'on se parle davantage qu'on ne le fait dans différentes disciplines: agronomes, médecins, ingénieurs. Il faut briser les silos.»

Le nombre d'êtres humains sur Terre en 2050 (projection)

"70%

C'est la quantité d'aliments qu'il faudra produire en plus pour les nourrir

9 MILLIONS

C'est le nombre de Québécois en 2050 (projection)

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Parcelles des terres agricoles du Québec en friche aujourd'hui.

Sources: FAO, ISQ, Michel St-Pierre.