Il est d'usage, lorsqu'un élu quitte ses fonctions, de lui rendre hommage, de témoigner de ses plus importantes réalisations et de souligner ses qualités humaines.

L'annonce de la démission de Jean Charest de ses fonctions de chef du Parti libéral du Québec a déclenché le phénomène, au Québec mais aussi dans le reste du Canada. Avec raison, partisans comme adversaires ont souligné ses qualités de débatteur et d'orateur, de même que sa proximité avec les électeurs et son grand sens de l'humour. Le premier ministre sortant du Québec était certes un excellent politicien, dans tous les sens de l'expression, qui maîtrisait très bien ses dossiers.

D'un point de vu régional, les neuf années d'exercice de Jean Charest auront été somme toute fastes, ce qui explique sans doute les nombreuses louanges qui lui ont été rendues ici-même au Saguenay-Lac-Saint-Jean au cours des derniers jours.

Réalisations

La liste des réalisations régionales du premier ministre est, effectivement, plutôt étoffée. À plusieurs égards, elle dépasse le simple florilège des faits et gestes politiques «normaux» que posent tous les élus au cours de leur plus ou moins longue carrière.

Les travaux de modernisation de la route 175, dans la Réserve faunique des Laurentides, projet de plusieurs milliards réalisé en dépit du scepticisme et des campagnes de dénigrement répétées de la part de plusieurs observateurs des grands centres, méritent de figurer en tête de liste. Il a fallu que Québec mette tous son poids politique dans la balance pour que ce dossier finisse par aboutir et que des ententes de financement soient signées avec le fédéral.

Plus récemment, l'appui du gouvernement libéral au projet de construction d'une desserte ferroviaire a permis de confirmer l'élan donné à la modernisation nécessaire de l'infrastructure économique de la région. L'appui du gouvernement au travaux de construction du quai d'escale de La Baie constitue aussi un autre bon coup de nature économique. Même si l'envergure totale des retombées directes et indirectes de la venue des bateaux blancs restent encore à être déterminées avec précision, il reste que le projet a donné un nouveau visage à l'arrondissement baieriverain alors sous le choc de la fermeture de l'usine Port-Alfred, et une nouvelle impulsion à son économie.

Du même élan, le premier ministre Charest a également joué un rôle clé afin de permettre à Saguenay de devenir propriétaire des centrales hydroélectriques de Pont-Arnaud et de Chute-Garneau. Ce projet aussi avait besoin d'un vrai soutien dans les plus hautes sphères du gouvernement pour se réaliser puisqu'il était véritablement hors norme. À terme, ce projet novateur fournira des revenus précieux au trésor public de la capitale régionale.

Sur le plan social, l'implantation à Saguenay d'un campus de médecine affilié à l'Université de Sherbrooke constitue également un coup d'éclat. Stratégiquement, le fait que de futurs médecins suivent leurs cours dans une région ressource représente un net avantage en matière de recrutement.

Vrai cependant, que l'autoroute Alma-La Baie n'est toujours pas complétée, que les crédits d'impôt pour les régions ressources, une mesure qui avait démontré son utilité, étaient en voie de disparition, que rien n'est réglé en matière de sentiers permanents pour véhicules hors route et que les solutions à la crise forestière n'ont jamais été vraiment à la hauteur des attentes régionales. Tout de même, le bilan des neuf années Charest est, sur le plan structurel, globalement favorable pour la région.

Histoire

Reste à voir quelle place dans l'Histoire, avec un grand «H», occuperont les neufs années de règne de Jean Charest. Seul le temps et le passage des ans permettront de répondre à cette question. Le Plan Nord, dont les effets sont tangibles dans la région, remplira-t-il ses promesses? Bien malin qui pourra prédire l'évolution de l'économie mondiale... L'idée de développer de manière plus concertée les ressources du Québec reste néanmoins porteuse.

Mais, comment, d'autre part, évolueront les travaux de la Commission Charbonneau? Comment se soldera la crise étudiante? Comment les historiens interpréteront-ils, avec le recul, les remous nombreux qui ont marqué la fin du règne libéral, l'impopularité du gouvernement sortant usé après presque une décennie d'exercice du pouvoir, mais aussi sa solide performance dans les urnes, et ce en pleine crise sociale? Pour reprendre une réflexion politique aujourd'hui consacrée: on verra.