Toronto ne badine pas avec les questions éthiques: une controverse en apparence mineure pourrait mener à la destitution du maire Rob Ford. L'élu très coloré doit témoigner mercredi devant un juge pour se défendre de s'être placé en conflit d'intérêts en prenant part à un vote au conseil municipal.



Toute cette histoire a débuté en 2010 lorsque le commissaire à l'intégrité de Toronto a dénoncé le fait que Rob Ford a utilisé du papier à lettres de la Ville pour solliciter des dons auprès de lobbyistes afin de financer la fondation caritative qu'il dirige. Le conseil municipal a alors décidé de le forcer à rembourser de sa poche les 3150$ ainsi récoltés.

Mais deux ans et six avertissements plus tard, le maire refuse toujours de se plier à la décision, estimant qu'il n'avait pas à rembourser ce qu'il n'avait pas empoché. En février dernier, la question a rebondi de nouveau au conseil municipal, pour décider si Rob Ford a enfreint le code d'éthique de la Ville.

Vote contesté

Même si la question le touchait personnellement, le maire a pris part au vote et a livré un long plaidoyer pour défendre sa fondation, qui vient en aide aux jeunes défavorisés pour l'achat d'équipement de football. C'en était trop pour un citoyen, Paul Madger, qui a alors intenté une poursuite, accusant le maire de s'être ainsi placé en conflit d'intérêts.

Six mois plus tard, la cause se trouve déjà devant les tribunaux. La crédibilité de Rob Ford ayant été mise en doute - il a fréquemment reconnu avoir menti dans le passé -, un juge a ordonné que l'élu soit interrogé en cour pour tirer cette affaire au clair. Son témoignage débutera demain et devrait s'étendre sur trois jours.

L'histoire peut paraître banale, mais elle témoigne de l'importance accordée aux questions éthiques, dit Duncan MacLellan, spécialiste en politique municipale à l'Université Ryerson de Toronto. «Ce n'est pas tant la somme en jeu, 3150$, qui importe, c'est une question de principe.» La Ville reine a encore en mémoire un important scandale informatique survenu au tournant des années 2000 qui a mené à la nomination d'un commissaire à l'intégrité.

Ford se défend

Encore aujourd'hui, Rob Ford se défend d'avoir mal agi. «J'ai voté parce que je connais ma fondation; c'est une fondation fantastique. Elle fait un travail extraordinaire pour sauver la vie de jeunes.»

L'élu, qui a été conseiller municipal pendant 10 ans avant de devenir maire, estime qu'un fonctionnaire aurait dû l'aviser avant le vote qu'il se plaçait en conflit d'intérêts.

Reconnaissant qu'il risque de perdre son siège en raison de son entêtement, Rob Ford promet de se représenter à la mairie dès que prendra fin son incapacité légale. La loi ontarienne sur les conflits d'intérêts prévoit qu'il pourrait être interdit de politique pendant sept ans, et le juge pourrait forcer la tenue d'élections partielles - la prochaine élection générale à Toronto est prévue en octobre 2014. «Si je perds mon travail, je vous garantis que je vais dire "C'est quand, la prochaine élection? ", parce que je vais me présenter à nouveau à la mairie. Le lendemain [de ma destitution], je serai en campagne, c'est sûr.»