Si la musique était une doudou, elle ressemblerait au programme livré hier soir, à Jonquière, lors d'un concert présenté dans le cadre des Mardis de la Saint-Do.

Céline Fortin et la soprano colorature Marie-Ève Munger ont uni leurs talents afin de bercer les quelque 500 mélomanes rassemblés dans l'église désormais centenaire.

Il s'agissait du deuxième programme de la série, qui en comprend quatre, et c'était la première occasion d'entendre la chanteuse jonquiéroise après ses sorties remarquées à Metz, Milwaukee, Saratoga et New York où la critique a salué son travail dans une oeuvre de Mozart, Il Sogno di Scipione, montée par le Gotham Chamber Opera.

La première partie du concert provenait du jubé, où se trouve le Casavant à trois claviers qui fait la fierté de la paroisse. D'emblée, Céline Fortin a mis en relief les qualités de l'instrument en s'attaquant au Prélude et fugue en do majeur de Georg Boehm. D'abord empreinte de douceur, cette composition devient de plus en plus enjouée, débouchant sur une finale où s'entremêlent les notes bourdonnantes et tintinnabulantes. Une belle entrée en matière.

Il faisait chaud dans l'église, malgré qu'on ait gardé les portes ouvertes. Si chaud que même l'un des «hits» du Messie de Haendel, Rejoice, n'a pu créer l'illusion que Noël était tout proche. Marie-Ève Munger, dont ce fut la première intervention, a interprété cet air avec finesse, sans forcer le trait.

Un peu plus tard, elle et Céline Fortin ont proposé un extrait de La Passion selon saint Mathieu, de Bach, Aus Liebe will mein Heiland sterben. Pendant que ce chant de douleur contenue s'élevait dans l'église, le regard du spectateur pouvait se poser sur la silhouette de Jésus sur la croix, sur son visage de souffrance se profilant sur la voûte dominant l'autel. Étrange vision sortie tout droit d'un film d'Eisenstein.

Hommage à Marie

Pendant la second partie du concert, on a pu apprécier l'orgue de choeur, un joyau qui n'a pas son équivalent au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les deux artistes se sont ainsi rapprochées du public, qui n'avait plus besoin de l'écran géant pour les voir à son aise.

Un peu plus tôt, Céline Fortin avait raconté que le choral Liebster Jesu wir sind hier, de Bach, était la première pièce qu'elle avait apprise sérieusement. Marie-Ève Munger a fait une confidence du même ordre avant d'aborder O, lead me, un air de Purcell. C'est avec lui qu'avait débuté son apprentissage du chant classique, lors de ses études au Collège d'Alma.

Comme dans les deux autres Purcell qui figuraient au programme, cette interprétation toute en nuances, marquée par une retenue de bon aloi, avait quelque chose d'enveloppant. On a eu le même sentiment à l'écoute d'un titre de Léon Boëllmann, Prière à Notre-Dame, auquel Céline Fortin a donné des accents romantiques. On aurait dit la trame sonore d'un film tourné à la campagne, un film où il ne se passerait rien, hormis la caresse du vent dans les feuilles.

Le concert n'était pas fini, loin de là, quand la foule s'est levée spontanément pour applaudir le travail de Marie-Ève Munger sur l'Ave Maria de Schubert, l'autre versant du doublé marial servi aux mélomanes (rappelons qu'aujourd'hui, le 15 août, c'est la fête de l'Assomption). Cet hommage était mérité puisqu'une fois de plus, la soprano avait opté pour l'intériorité, de préférence aux effets pyrotechniques.

Le feu d'artifice, il est arrivé à la conclusion du programme, avec Les oiseaux dans la charmille. Marie-Ève Munger s'est appropriée cette drôle de chose signée Offenbach, incarnant une caricature de cantatrice qui multiplie les vocalises, tout en adoptant une gestuelle calquée sur celle d'une poupée mécanique qui se serait déréglée. Dire que les gens ont apprécié serait un euphémisme.

Avant de fermer les livres, les artistes ont renoué avec Haendel, le temps d'un rappel sur l'air de Lascia ch'io pianga (merci Denise pour l'information). Retour au calme, à la douceur, avec ce chant très beau, empreint de sobriété. La signature idéale pour un concert que chériront longtemps ceux qui ont eu la chance d'y assister.