Le premier forum mondial sur la langue française s'ouvre lundi à Québec avec pour objectif de tracer un portrait détaillé de la francophonie d'aujourd'hui pour lui permettre de partir à la conquête d'un monde où le «tout anglais» n'a pas force de loi.

La vieille capitale accueillera plus de 1000 artistes, conférenciers, entrepreneurs, jeunes et membres de la société civile pour ce forum sans chefs d'État qui se veut aux antipodes des sommets plus institutionnels et feutrés des dirigeants de la Francophonie.

Les manifestations artistiques et les discussions s'articuleront autour de quatre grands thèmes: l'économie, l'industrie culturelle, la place occupée par le français dans l'univers numérique et la cohabitation entre les langues.

En préambule, une quarantaine de personnalités de France, du Canada, du Liban, d'Algérie, du Cameroun et d'autres pays ont signé cette semaine un «appel» à sortir du règne de l'obsession du «tout anglais».

«Nous voyons un monde nouveau qui émerge et ça, c'est une chance pour la langue française et la francophonie. Cette chance, il faut la saisir», explique à l'AFP la députée québécoise Louise Beaudoin, signataire de cet appel, évoquant un monde «multipolaire» avec la montée en puissance du Brésil, de la Chine, de l'Inde et de la Russie, plutôt que l'hégémonie de l'empire américain.

Le secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Abdou Diouf, a pour sa part dénoncé le manque d'intérêt des intellectuels et des hommes d'affaires français pour la promotion de la langue de Molière dans le monde, dans un entretien samedi au quotidien Le Devoir.

700 millions de francophones en 2050

«En gros, les universitaires et les intellectuels s'en moquent. C'est la nouvelle trahison des clercs (allusion à un ouvrage dénonçant la démission des intellectuels, NDLR). Et les hommes d'affaires s'en moquent encore plus. Quand vous leur en parlez, vous les ennuyez. On a l'impression que seule la mondialisation les intéresse», a dit M. Diouf.

«Il faut définir la langue française et son devenir en fonction de ce que nous voulons qu'elle soit d'abord et avant tout, dans un contexte de diversité linguistique», déclare pour sa part Michel Audet, commissaire général de ce premier forum.

Selon l'OIF, 220 millions de personnes parlent le français à travers le monde. «Si tout se passe normalement, à l'horizon de 2050, il devrait y avoir plus de 700 millions de francophones, dont 80% en Afrique», a indiqué M. Diouf.

À Québec, les participants au forum se pencheront sur des mesures concrètes à prendre pour faciliter la mobilité des artistes, des étudiants et des entrepreneurs des pays francophones, accroître la publication scientifique en français, ainsi que les échanges commerciaux.

Des projets pourraient cheminer jusqu'au prochain Sommet de la Francophonie, en octobre, à Kinshasa, en République démocratique du Congo.

Le Québec accueille ce forum à l'heure où certains s'inquiètent d'une anglicisation rampante de Montréal et après un printemps de contestation étudiante sans précédent qui s'est mué en fronde sociale et a écorché l'image du gouvernement de la Belle Province dans la presse francophone.

«Il y a des images qui ont fait mal au Québec à travers le monde et ces images-là ce sont des images de casseurs et d'intimidation... Nous, nous allons reconstruire cette image-là», a déclaré récemment la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, en marge d'une conférence de presse sur le forum.