Au moment où le gouvernement Charest vient de lui porter un dur coup en abolissant le placement syndical sur les chantiers québécois, la FTQ-Construction part à la conquête du Canada anglais, a appris La Presse. Elle annoncera sous peu la création d'une nouvelle structure pancanadienne qui l'aidera dorénavant à recruter et à placer des travailleurs à l'extérieur du Québec.

«Il y a pas mal juste au Québec où la nouvelle loi 33 nous empêche de faire du placement. Ailleurs, ça se fait, et les grandes entreprises font appel aux centrales pour avoir de la main-d'oeuvre qualifiée. Maintenant, on va pouvoir aller syndiquer des chantiers complets au Canada et y envoyer nos travailleurs s'il y a des périodes creuses au Québec», a confirmé Yves Ouellet, directeur général de la FTQ-Construction, joint par La Presse.

Pour arriver à ses fins, la FTQ-Construction s'est associée au Syndicat canadien de l'énergie et du papier (SCEP), déjà présent dans l'industrie de la construction à l'extérieur du Québec, pour créer une nouvelle entité pancanadienne, le Conseil canadien des syndicats de la construction (CCSC).

Le projet final a été approuvé par la direction des deux syndicats, mais doit encore être ratifié par les membres. La nouvelle entité devrait ensuite commencer ses activités au cours des prochains mois, a expliqué M. Ouellet.

Il s'agirait du tout premier syndicat pancanadien de la construction sans affiliation avec les États-Unis.

La FTQ-Construction avait déjà des ententes qui lui permettaient d'envoyer des travailleurs dans l'Ouest, notamment en Alberta, où la demande en main-d'oeuvre est forte et les salaires sont élevés.

«Les gars qu'on envoie là-bas ont des salaires moyens entre 90 000$ et 100 000$. Leur domicile reste au Québec, donc leurs impôts et leurs fonds de pension restent au Québec. Ça représente des millions en impôts», affirme M. Ouellet.

La loi ne permet pas à un syndicat d'avoir le monopole sur un chantier au Québec, mais la pratique est permise dans d'autres provinces. Le tout nouveau CCSC a bon espoir d'arriver à syndiquer d'importants chantiers et à s'entendre avec d'importants employeurs pour offrir d'énormes possibilités d'emplois à ses membres du Québec comme d'ailleurs.

«Pour l'instant, au Québec, on a pas mal d'ouvrage. Mais il y a toujours des régions qui vont avoir des périodes creuses, à différents moments. Dans ces cas-là, on pourra privilégier ces régions lorsque des employeurs quelque part manquent de main-d'oeuvre dans leur coin», explique M. Ouellet.

Rappelons que le nouveau projet de loi 33, porté par la ministre Lise Thériault afin de mettre fin au placement syndical et de lutter contre l'intimidation sur les chantiers, a soulevé l'ire de la FTQ-Construction, qui est en conflit ouvert avec le gouvernement depuis. Des militants du syndicat ont même perturbé des chantiers l'hiver dernier pour protester contre le projet de loi.

Il s'agissait là d'une nouvelle tuile pour la FTQ-Construction, malmenée au cours des dernières années par des dissensions internes, plusieurs changements de dirigeants, des allégations de malversations et l'arrestation de son ancien directeur général, Jocelyn Dupuis, accusé de fraude et de fabrication de faux documents.