L'homme d'affaires Normand Trudel, coaccusé de Tony Accurso et du maire de Mascouche à la suite d'une enquête de l'escouade Marteau, se dit victime d'une «chasse aux sorcières» qui lui a fait perdre 6 millions en contrats, en plus de le transformer en paria dans le milieu de la construction.

Si ces pertes devaient être prouvées en cour, elles démontreraient que les reportages sur la collusion et la corruption ont eu un immense impact sur le marché de la banlieue nord de Montréal.

Le propriétaire de la firme Transport et Excavation Mascouche détaille ses déboires dans de nouveaux documents judiciaires datés du 24 mai et que La Presse a obtenus. Les documents ont été rédigés dans le cadre de sa poursuite en diffamation contre Stéphane Handfield, chef du parti de l'opposition à Mascouche.

M. Trudel explique que «le scandale dans le monde de la construction» a mené à «une chasse aux sorcières tous azimuts» dont il a été victime.

Il déplore que Stéphane Handfield l'ait associé à un système «semblable à celui des commandites» et l'ait accusé de s'enrichir «en restant assis sur ses fesses» dans une entrevue à la radio. Ces propos faisaient suite à un reportage de l'émission Enquête sur la proximité entre le maire et l'entrepreneur, ainsi qu'un article de La Presse sur le contrat du déneigement des bornes d'incendie de Mascouche, facturé 65 fois plus cher qu'ailleurs.

Normand Trudel déplore que les propos de M. Handfield le présentent comme «un criminel ayant comploté, manigancé et fraudé la municipalité de Mascouche».

M. Trudel, qui a été accusé de fraude, de versements de pots-de-vin et d'abus de confiance après le dépôt de sa poursuite en diffamation, ne fait pas référence à son arrestation dans les nouveaux documents.

Il affirme que ce sont les propos de M. Handfield qui ont eu de lourdes conséquences pour son entreprise et lui.

Il aurait perdu 2 millions dans le projet de l'hôtel Impéria de Terrebonne, ainsi qu'une somme liée à la vente prévue du terrain pour construire cet hôtel. Il aurait aussi perdu 1 million en lien avec le projet de patinoires extérieures Custom Ice, ainsi que 2 millions en lien avec sa société Écolosol.

Il affirme que son entreprise n'est plus invitée à soumissionner à divers projets municipaux, n'obtient plus de contrats de gré à gré dans la région, fait face à des exigences plus sévères dans l'exécution de ses travaux, voit ses comptes fermés chez divers fournisseurs et peine à obtenir crédit, cautionnements et assurances.

Propos «diffamatoires»

Tous ces déboires seraient liés aux propos «diffamatoires» tenus à son endroit par le chef du parti de l'opposition, de qui il exige 525 000$ en dommages.

Interrogé par La Presse au palais de justice hier, Normand Trudel n'a pas voulu faire de commentaires. Son adversaire Stéphane Handfield, quant à lui, n'a pas l'intention de retirer ses propos.

«Je ne peux pas commenter le dossier présentement, mais une chose est sûre: malgré la présomption d'innocence, les récentes arrestations à Mascouche démontrent que les citoyens ont intérêt à dénoncer ce qu'ils considèrent comme des abus dans le monde municipal», a-t-il dit.