Après deux mois de manifestations étudiantes, après l'émeute de vendredi aux abords du palais des Congrès, le chef de la police de Montréal s'inquiète du climat actuel. En entrevue à La Presse, Marc Parent a vanté le travail de ses troupes dans des conditions difficiles.

Q: Les manifs, vues par le chef du SPVM, c'est...

Marc Parent: Trois choses. Un, la démocratie doit accepter les manifs, qu'on puisse entendre ceux qui ont des récriminations. Deux, je trouve que certains leaders étudiants n'ont pas suffisamment condamné les gestes de violence. Quand on est un leader, il faut être capable de dire que tu n'encourages pas la violence. Trois, je sens une radicalisation dans le mouvement. On l'a vu (dernièrement). Ce qu'on retient, ce sont les méfaits, les gens terrorisés.

Q: J'ai écrit, récemment: il y a eu des gestes troublants de la part de policiers, dans certaines manifs, qu'on a vus plus braves avec des étudiants en philo qu'avec les crottés qui cassaient des vitres après des victoires du Canadien...

M. P.: Je trouve que les policiers qui s'occupent des mouvements de foule font un travail exceptionnel. Il y a de quatre à cinq manifs par jour, depuis deux mois: c'est de la gestion de ressources humaines, ça. Et tout ce qui traîne a tendance à se salir: les probabilités qu'il y ait un petit incident, un petit dérapage peuvent toujours finir par se produire. On a tellement d'interventions qu'on n'est pas à l'abri d'une situation où on aurait souhaité mieux intervenir.

Q: Avez-vous passé le message que les policiers, dans ces situations, ne doivent pas se laisser aller à leurs plus mauvais instincts?

M. P.: Oui. On réitère ce message-là. Nos gens sont fatigués, mais ils sont bien formés, ils ont les qualifications, l'expertise. Mais l'humain est l'humain.

Q: Quand des manifs ont brassé, certains ont vu une commande politique de Québec au SPVM...

M. P.: Non. Les gens pourraient être tentés de penser que Mme Beauchamp (NDLR: Line, la ministre de l'Éducation) ou le gouvernement du Québec appelle Marc Parent: non, jamais. Cette indépendance, je la ressens.

Q: Depuis deux mois, le SPVM est hyper sollicité par ces manifestations. Beaucoup d'agents font beaucoup d'heures supplémentaires. Qui paiera pour ça? Montréal, le SPVM, Québec?

M. P.: Je ne sais pas encore combien cela a coûté, exactement. Qui va payer: c'est au-dessus de ma tête, mais je pense que la Ville va faire des représentations à Québec.

Q: Croyez-vous que ce soit injuste que ces coûts reliés aux manifs soient déduits du budget du SPVM?

M. P.: C'est un enjeu du gouvernement du Québec.

Q: Au fait, où en est l'enquête sur la «taupe», Ian Davidson?

M. P.: Elle n'est pas finie. Ce n'est pas parce qu'on ne sait pas comment la finir, mais parce qu'on a des choses à terminer là-dedans. On a posé plusieurs gestes au chapitre de la sécurisation des lieux physiques, ça a amené beaucoup de remises en question. Si c'est arrivé chez nous, ça peut arriver n'importe où au Québec et au Canada. Je suis convaincu que ça va aider beaucoup de corps de police quand on va tirer les leçons de ce qui nous est arrivé. Car l'ensemble des organisations policières gèrent leurs infos sensiblement de la même façon que nous.

Q: Comment avez-vous réagi en apprenant la trahison d'Ian Davidson?

M. P.: C'est sûr que c'est une bombe. On a un ripou dans notre organisation, même s'il était à la retraite. Et ça pose la question de la sécurité des sources confidentielles et de leurs contrôleurs. Il a fallu bouger très vite. Il y a des joueurs-clés qui ont fait la différence, ils ont été alertes, agiles et éveillés.