La police a conseillé à l'informateur recruté par l'escouade Marteau pour piéger le maire de Mascouche et Tony Accurso de quitter la région le temps que la poussière retombe, a appris La Presse.

Claude Lachapelle, ancien chef de cabinet et vieux compagnon de route du maire Richard Marcotte, ne croyait pas que son rôle serait mis au jour aussi rapidement.

«Il ne s'attendait pas à ça. Sa vie vient de basculer», affirme une source bien au fait du dossier.

Le rôle de M. Lachapelle est toutefois devenu évident mardi lorsque les 47 chefs d'accusation du projet Gravier ont été déposés au palais de justice: son nom y figure 22 fois, mais il n'est accusé de rien. La plupart du temps, c'est par son entremise que les pots-de-vin auraient été versés à son ancien patron, le maire Marcotte, précisent les documents.

Le coeur de l'enquête repose justement sur le lien qu'ont pu tracer les enquêteurs entre des cadeaux reçus par le maire et des avantages obtenus par certaines entreprises. Un lien difficile à établir sans l'aide de quelqu'un à l'intérieur du «système».

«Pour nous, c'est un témoin important. Mais à savoir quel était son rôle exact, ce sera dévoilé en Cour», a répondu laconiquement le lieutenant Guy Lapointe, porte-parole de la SQ, lorsqu'on l'a interrogé au sujet de M. Lachapelle. L'Unité permanente anticorruption, dont relève l'escouade Marteau, n'a pas voulu commenter.

Selon nos sources, les policiers ont toutefois suggéré à leur informateur d'aller se mettre à l'abri pour un certain temps, maintenant que son identité est connue.

Déjà, en septembre, Claude Lachapelle avait vendu la maison de Laval qu'il occupait depuis plusieurs années. Les voisins rencontrés sur place, tout comme le nouveau propriétaire, ont dit ignorer son nouveau lieu de résidence.

«C'est assez hot comme dossier. Je pense qu'il a dit ce qu'il avait à dire aux gars de Marteau, et maintenant, il ne parlera plus», a expliqué un voisin qui le connaissait depuis des années.

M. Lachapelle n'a pas répondu aux nombreux appels de La Presse sur son portable, hier. La seule adresse qu'il fournit pour son bureau de courtage en assurances mène à une case postale dans un bureau de poste de Terrebonne, où personne ne semble le connaître.

Personne n'était présent lors du passage de La Presse chez son frère et associé, dans la MRC de Matawinie, au nord de Lanaudière.

Un poste controversé

L'existence même du poste de chef de cabinet du maire, payé par la Ville de Mascouche, a soulevé la controverse au conseil municipal par le passé. Il y a un peu plus d'un an, Claude Lachapelle avait quitté ses fonctions et n'avait pas été remplacé. La Ville, qui cherchait à réduire ses dépenses, avait racheté son contrat.

Au journal local Le Trait d'union, Claude Lachapelle disait avoir pris sa décision «à la suite de toutes les allégations qui sont véhiculées et à une atmosphère négative qui règne dans la Ville».

En réalité, la Sûreté du Québec l'avait recruté comme agent civil depuis un moment déjà. Il s'agissait d'un revirement majeur pour celui qui avait fidèlement servi Richard Marcotte dans ses aventures politiques.

En 2005, il était un important organisateur de la campagne qui avait porté le maire au pouvoir par une faible majorité. En plus de demeurer dans sa garde rapprochée, M. Lachapelle s'est ensuite impliqué pendant plusieurs années dans la Fondation Richard Marcotte, un organisme philanthropique dont il a même présidé le conseil d'administration. En 2009, c'est lui que les citoyens devaient joindre pour acheter des billets pour le spectacle-bénéfice de la fondation.

Après son départ du poste de chef de cabinet, Claude Lachapelle n'avait plus l'habitude d'assister aux séances du conseil municipal. Il s'y était toutefois rendu le mois dernier, à la surprise de plusieurs.

Il savait alors que son travail secret pour la police risquait de porter bientôt ses fruits.

- Avec la collaboration de David Santerre et d'Émilie Bilodeau