L'expulsion d'une famille guinéenne réfugiée à Montréal depuis cinq ans a été suspendue dimanche soir après l'hospitalisation de l'une des cinq enfants, victime d'un malaise à l'aéroport Pierre-Elliot-Trudeau.

Un peu plus tôt, Zenab Mansaré, 17 ans, avait confié ses craintes à La Presse à l'idée de retourner dans le pays qu'elle a quitté en 2007 et dont elle ne garde «que des mauvais souvenirs». «J'ai peur d'être mariée de force et de gâcher mon avenir avec un vieux monsieur. Il y a aussi mon excision qui m'attend.»

La mère de la jeune femme, Kankou Keita Mansaré, craint en effet que ses deux filles soient excisées, une pratique encore répandue dans ce pays d'Afrique de l'Ouest. Une crainte que partagent plusieurs membres de la communauté guinéenne venus soutenir la famille, qui devait être expulsée dimanche. «On ne dort plus. C'est très triste, surtout pour les deux filles», dit Kankou Condé, une amie de la famille, qui affirme avoir elle-même été excisée.

Des huées

Inconsolable, la jeune Zenab Mansaré s'est effondrée alors que les agents des Services frontaliers escortaient les membres de la famille, sous les huées d'une cinquantaine de proches. «Injustice, injustice!»

Zenab Mansaré a été conduite à l'hôpital, où sa mère a eu le droit de se rendre à son chevet, ce qui a suspendu l'expulsion de toute la famille. Celle-ci devra se présenter demain à Immigration Canada. Une nouvelle date d'expulsion pourrait alors être fixée.

C'est la deuxième fois que le départ de la famille est repoussé. Le 11 mars dernier, les six Guinéens ne s'étaient pas présentés à leur expulsion. L'avocat de la famille, Me Salif Sangaré, a expliqué que la mère avait dû être hospitalisée. La famille avait été arrêtée, puis incarcérée une semaine plus tard par les services d'immigration avant d'être relâchée avec la promesse de se présenter à son nouveau rendez-vous, dimanche soir.

Kankou Keita Mansaré a fui la Guinée en 2007 pour demander le statut de réfugié au Canada pour elle et ses cinq enfants. Sa demande a toutefois été rejetée, les autorités ayant jugé son témoignage peu crédible. Toute sa famille fait du coup face à l'expulsion.

Me Salif Sangaré s'oppose à l'expulsion immédiate au motif que la famille n'a pu se prévaloir de tous ses recours. Une demande pour rester au Canada pour des motifs humanitaires aurait été formulée en juin 2010, mais le dossier aurait été perdu. Une nouvelle demande a été faite il y a une dizaine de jours, mais cette démarche n'a pas eu pour effet d'annuler l'avis d'expulsion.

La santé fragile de Zenab

En plus du mariage forcé et de l'excision que risquent les deux filles, la famille invoque la santé fragile de Zenab Mansaré pour rester. La jeune femme de 17 ans souffre d'hyperthyroïdie, maladie potentiellement mortelle pour laquelle elle a été opérée récemment. Elle a bien pris soin de mettre ses médicaments dans ses valises, mais ses provisions sont limitées. «Ici, j'ai frôlé la mort, mais là-bas, il n'y a pas de traitement. Si je vais là-bas, c'est la mort qui m'attend», croit-elle.

Me Salif Sangaré ne comprend pas pourquoi le gouvernement canadien n'attend pas de trancher sa nouvelle demande avant de procéder à l'expulsion. Il souligne que la famille n'est pas un fardeau pour le Canada puisque Kankou Keita Mansaré et deux de ses cinq enfants travaillent.

Officiellement, la demande d'asile des Mansaré pour motifs humanitaires suit son cours, mais leur entourage ne se fait pas d'illusions sur leurs chances. «On n'a jamais vu personne revenir une fois expulsé», déplore Anne-Marie Bellemare, travailleuse sociale qui aide la famille dans ses démarches.