À travers douleur et déchirement, Gabrielle Lavallée a accueilli l'assassinat de Roch Thériault, dit Moïse comme une «délivrance». Il reste qu'elle s'interroge sur les circonstances de la mort de celui qui lui a infligé un calvaire et met de l'avant la thèse de la préméditation.

Pour la première fois depuis l'annonce de la mort du «gourou du mont Éternel», en Gaspésie, Gabrielle Lavallée a exprimé, hier, les sentiments qui l'ont animée dans les instants qui ont suivi le meurtre. Elle l'a fait en marge d'une visite dans une école de Roberval, à l'invitation d'une professeure de cinquième secondaire.

Moïse Thériault, qui avait fait de Gabrielle Lavallée une de ses femmes au sein de sa secte, a été assassiné par un voisin de cellule à la prison de Dorchester, au Nouveau-Brunswick, le 26 février 2011. La secte de Moïse avait fait grand bruit et Mme Lavallée avait elle-même écrit un livre sur son histoire. Puis un film, Moïse, l'affaire Roch Thériault, a été produit.

Gabrielle Lavallée est claire. Selon elle, l'assassinat de l'ancien gourou était un geste prémédité.

Aujourd'hui âgée de 62 ans, Mme Lavallée croit que la préméditation s'explique par deux événements. D'une part, le reportage exclusif de La Presse, dans lequel il n'exprimait aucun remords, aurait choqué des gens. D'autre part, son état de vulnérabilité, à la suite d'interventions chirurgicales, aurait facilité son assassinat, croit-elle.

«J'ai le profond sentiment que le détenu qui a commis ce geste était de connivence avec les autorités en place pour l'éliminer. À ce moment, il ne croyait pas mériter l'emprisonnement et il n'avait fait aucune allusion à la culpabilité», estime la Chicoutimienne, qui a vécu l'enfer au sein de la secte de Moïse.

«Roch Thériault était un homme très fort et, pour une rare fois, il ne pouvait pas se défendre.»

Sereine depuis la mort de son ancien gourou, elle affirme qu'aucun être humain ne mérite une mort aussi brutale que celle dont il a été victime. «Il est mort au bout de son sang. Je suis sûre qu'il a eu le temps de voir le film de sa vie. Je priais pour sa conversion depuis des années et je crois sincèrement qu'il s'est converti in extremis», affirme celle qui s'est depuis tournée vers la religion.

Un deuil nécessaire

C'est le dimanche 27 février 2011, à 7 h 20, que Mme Lavallée a appris par sa belle-soeur que Moïse avait été tué. «Je suis allée sur mon ordinateur et j'étais inondée de messages. Tous les journalistes voulaient mes réactions, alors j'ai dû aller me réfugier pour vivre mon deuil et me recueillir seule avec moi-même», relate celle qui affirme qu'il est primordial de faire son deuil après la mort de quelqu'un, peu importe qui il est et ce qu'il a pu faire.

Deux jours plus tard, elle a communiqué avec le fils aîné de Thériault, afin de lui exprimer ses condoléances. Puis, après avoir coupé tout contact avec les gens pendant une semaine, Gabrielle Lavallée raconte qu'elle a ensuite senti une énorme baisse de pression sur ses épaules. «C'était une profonde délivrance.»

Dans les semaines qui ont suivi, Gabrielle Lavallée a fait des recherches et a appris comment s'étaient produits les événements au pénitencier.

Pardonner l'impardonnable

Avec le temps, Gabrielle Lavallée a su pardonner à celui qui lui avait infligé de multiples sévices pendant toutes ces années: humiliations, rejet, torture et violences sexuelles. Sans oublier l'amputation de son bras droit, à froid.

Par contre, elle rappelle que pardonner ne veut pas dire accorder l'amnistie. Si Moïse n'avait pas été tué, elle est convaincue qu'il se serait présenté de nouveau devant la Commission des libérations conditionnelles au cours de l'année 2012 pour tenter de recouvrer sa liberté. «J'y serais allée une autre fois pour m'y opposer. Roch Thériault était un diable. Son regard était doté d'un charisme qui nous foudroyait. Je suis sûre que je vais le revoir de l'autre bord», conclut Mme Lavallée.