La folie U2 à Montréal

Décompte final: 162 466 spectateurs. Parmi eux, 53 000 touristes (dont 20 000 de l'extérieur du Québec), qui ont généré des retombées économiques de 30 millions de dollars. Arthur Fogel, chef de la direction de Live Nation Global Touring, a déclaré que les deux spectacles de U2 produits dans un stade temporaire créé sur mesure pour l'occasion au coût de 4 millions étaient «l'un des plus grands accomplissements de l'histoire du rock'n'roll». La bande de Bono est à peu près le seul groupe du monde pour lequel le parc Jean-Drapeau (45 000 personnes) était trop petit. Il fallait donc convaincre plus de 150 000 personnes de prendre les transports en commun pour se rendre à la station de métro Namur, puis à l'ancien site de l'Hippodrome. Au final? Mission accomplie.

Vendre sa musique pour une pub: la fin des tabous

Après avoir vendu les droits de sa chanson Pyromane pour une pub de Coca-Cola ce qui a créé une mini-controverse , Karkwa peut se consoler: l'éditeur de Billboard, Jem Asward, parle de la mort de «l'intégrité artistique non commerciale» dans son bilan de fin d'année, soulignant que les compagnies sont maintenant vues comme des «partenaires» et non des ennemis. Avec les revenus de ventes de disques qui ne sont plus ce qu'ils étaient, prêter les droits d'une chanson pour une publicité ou un film n'est plus synonyme de vendre son âme. De plus en plus de compagnies investissent même dans la musique pour vendre l'idée d'«un mode de vie». L'an dernier, Converse a ouvert un studio d'enregistrement à Brooklyn. Même Mountain Dew a son étiquette de disques, le Green Label Sound, qui a financé des clips de Chromeo et Theophilus London. C'est sans compter Red Bull, qui a une étiquette de disques, un studio d'enregistrement et qui organise chaque année une «académie», sorte de camp de musique d'élite mondiale auquel a déjà participé le DJ montréalais Ghislain Poirier. «Ce que ces compagnies-là cherchent, c'est du contenu, a-t-il dit à La Presse dans un reportage sur le sujet, en septembre dernier. C'est comme un type de mécénat (...) C'est une autre mentalité d'affaires.»

Arcade Fire ou la victoire du rock indépendant

Pour Arcade Fire comme pour l'industrie de la musique, c'était une surprise de voir The Suburbs sacré album de l'année lors du gala des Grammy, en février dernier. «Mais étions-nous plus ou moins surpris que Barbra Streisand?» a lancé à la blague Will Butler, frère du chanteur Win Butler, lors de la rencontre de presse qui a suivi le gala. Si l'animatrice Rosie O'Donnell a tweeté: «Je n'ai jamais entendu parler d'eux», Kanye West s'en est réjoui: «Arcade Fire!!!!!! Il y a de l'espoir. Je sens que nous avons tous gagné quelque chose quand quelque chose comme ça arrive. Fu***** Awesome». Pour Jem Asward, éditeur de Billboard, 2011 fut carrément l'année de la consécration de la musique indépendante, avec Arcade Fire qui a remporté le Grammy de l'album de l'année pour The Suburbs et Bon Iver qui a récolté quatre nominations à la prochaine cérémonie.

De la compétition pour iTunes

Plusieurs compagnies veulent ravir des parts de marché à Apple et son iTunes Music Store. Aux États-Unis, Google a lancé son propre service musical, Google Music. L'an dernier, Amazon a aussi été agressif avec sa boutique de musique virtuelle quand il a mis en vente en format MP3 des albums à 3,99$, que ce soit ceux de Kanye West, Arcade Fire et Sufjan Stevens. D'autres services indépendants tentent aussi de percer ce marché: Pandora, Rdio et Spotify. Il faudra surveiller si ces compagnies implanteront leur service au Canada. Au Québec ou dans le reste du pays, il existe plusieurs sites transactionnels de musique, dont Postes d'écoute, zik.ca, eMusic, Beatport ou Bluetracks. Selon le IFPI (International Federation of the Phonographic Industry), 27% des ventes légales de musique étaient numériques à l'échelle mondiale à la fin de 2010. L'iTunes Music Store accaparait alors 70% de cette industrie de 4,2 milliards de dollars. Qui est prêt à délaisser iTunes, qui a de loin le plus grand catalogue?

Rebecca Black: succès bien malgré elle

Rebecca Black et sa mère n'avaient pas prévu que le clip maison de l'adolescente deviendrait le tube viral de l'heure. Après tout, ce n'était qu'un cadeau d'anniversaire. Or, le clip de Friday, dont la production a coûté 4000$, a été vu plus près de 150 millions de fois sur YouTube avec dérision, d'où son titre de la «pire chanson au monde». Il y a même eu des démêlés judiciaires entre la famille Black et Ark Music Factory, la boîte de Los Angeles qui permet à des enfants de familles fortunées d'être la vedette de leur propre clip. Un clip officiel a donc suivi le clip maison. Katy Perry a même invité l'adolescente de 14 ans à participer au clip de sa chanson TGIF. La semaine dernière, Google a indiqué que Rebecca Black s'était classée en tête des «personnalités sur lesquelles la recherche a grimpé le plus vite».

Jay-Z et Kanye West réunis

Des mois de spéculation ont précédé la sortie de leur album commun, Watch The Throne, en août dernier. Les fans ont jubilé quand ils ont appris qu'allait suivre une tournée, qui a inclus Montréal dans son itinéraire. C'était l'un des spectacles les plus attendus de l'automne au Centre Bell, puisqu'il réunit les deux rois du hip-hop que sont Jay-Z et Kanye West. Le vétéran et son ancien protégé ont été à la hauteur des attentes. Les 15 000 spectateurs présents ont eu droit à un spectacle de plus de deux heures et demie, avec près de 40 chansons communes et respectives des deux rappeurs. Respect.

Amy Winehouse se joint au club des 27

En mourant d'un abus grave d'alcool «accidentel» suivant une période de sevrage dans son foyer londonien, le 23 juillet dernier, Amy Winehouse a joint le triste panthéon du «club des 27», formé de tous ces musiciens promis à une brillante carrière qui sont morts tragiquement à l'âge de 27 ans. Son nom s'est ajouté à la liste formée des Jimi Hendrix, Janis Joplin, Brian Jones, Kurt Cobain et Jim Morrison. Sorti au début du mois, l'album posthume de Winehouse, Lioness: Hidden Treasures a pris la tête des palmarès. Réalisé par les deux hommes qui ont aidé la chanteuse à devenir une vedette pop, Salaam Remis et Mark Ronson, il a servi de baume à la famille Winehouse, a confié le père d'Amy, Mitch Winehouse.

Un major en moins

L'année se termine avec un major de moins puisque Universal et sa filiale Sony ont acheté EMI. City Group a acheté l'étiquette de disques des vaches à lait que sont les catalogues des Beatles, de Pink Floyd et de Coldplay. La vente s'est faite en deux temps. Universal Music Group a racheté la division de musique enregistrée d'EMI pour 1,4 milliard d'euros. De son côté, Sony/ATV a conclu un accord pour acquérir la division d'édition musicale en charge de la gestion des droits d'auteur pour 2,2 milliards de dollars. Avant la transaction, Universal Music Group, filiale de Vivendi, était déjà le numéro un mondial de la musique, avec environ 27% du marché de la musique enregistrée. Avec les labels indépendants qui ont des parts grandissantes de marché, il sera intéressant de voir comment l'industrie du disque évoluera.

Le retour du saxophone eighties

Qu'ils soient pop ou indépendants, plusieurs artistes ont ramené au goût du jour le saxophone et les cuivres quétaines de Kenny J et de la musique pop des années 80 (pensons à Baker Street de Gerry Refferty). À commencer par Lady Gaga dans son tube The Edge of Glory ou encore Bon Iver sur plusieurs pièces de son dernier album. Le saxophone est également bien présent sur la pièce Midnight City de m83. Parlant de m83, 2011 a également été une année importante pour la synth-pop, avec les Austra et Cut Copy pour ne nommer que ceux-ci.

Les scènes extérieures qui s'effondrent

L'été dernier a été funeste avec les multiples scènes extérieures qui se sont effondrées dans différents festivals extérieurs. À Pukkelpop, en Belgique, quatre personnes ont perdu la vie et trois festivaliers ont été grièvement blessés quand un orage foudroyant a soufflé sur la plaine où avait lieu le festival, déracinant des arbres tout en détruisant des échafaudages et des pylônes. Quelques jours avant, une rafale avait également fait tomber la structure d'une scène pendant la prestation country du duo Sugarland, à Indianapolis, causant la mort de cinq personnes. C'est sans compter l'effondrement de la scène principale du Bluesfest d'Ottawa, le 17 juillet, à la suite d'un violent orage. Les musiciens de Cheap Trick l'ont échappé belle, fuyant la scène avant qu'elle ne s'effondre, mais ils ont refusé de donner un spectacle prévu par la suite à Vancouver. L'entreprise concernée par l'incident, le Groupe Berger, a aussi été montrée du doigt quand deux de ses tours d'éclairage sont tombées lors du Festivent, à Lévis, peu avant le spectacle des Cowboys fringants, le 3 août dernier.