Très courante, la rivalité fraternelle peut causer des dégâts qui sont de plus en plus étudiés par les chercheurs. Qu'est-ce qui la provoque et quel est son impact? En cette période de retrouvailles familiales, le point sur les recherches récentes.

> Au royaume des chouchous

L'harmonie entre frères et soeurs d'une même famille dépend en bonne partie du climat dans lequel ils sont éduqués, et en particulier, de l'attitude de leur mère.

C'est ce que vient d'établir une étude de la Torontoise Jennifer Jenkins publiée peu avant Noël dans le Journal of Child Psychology and Psychiatry.

D'après cette étude, lorsqu'une mère est anxieuse ou déprimée - ce qui est le cas d'environ 15% des femmes ayant un enfant en bas âge -, ses enfants sont plus susceptibles de se montrer hostiles les uns envers les autres. «Quand vous êtes déprimé, vous êtes plus irritable, vous expliquez moins les choses à vos enfants, vous êtes moins à l'écoute de leurs besoins. Ces derniers transposent ce qu'ils vivent à leurs autres relations», explique la professeure Jenkins, qui enseigne la psychologie à l'Université de Toronto.

Le niveau d'hostilité croît aussi lorsqu'une mère a une attitude particulièrement négative à l'égard d'un de ses enfants: plus un enfant se trouve défavorisé par rapport à son frère ou à sa soeur, plus la relation entre les deux enfants sera conflictuelle.

Traiter ses enfants différemment est parfois justifié puisqu'ils n'ont pas tous le même tempérament ni les mêmes besoins, souligne la professeure Jenkins. Prendre soin de l'expliquer peut éviter bien des ravages, révèle une autre de ses études.

Quand les différences ne sont pas expliquées - ou carrément inexplicables -, cela envenime les relations entre frères et soeurs, et peut même les hanter à jamais, précise-t-elle. Car les sentiments de jalousie ou d'injustice perdurent souvent à l'âge adulte. «Ils peuvent même contaminer d'autres relations, prévient la professeure Jenkins. Quand vous êtes élevés dans une famille conflictuelle, ou que vous êtes toujours forcés de lutter pour l'attention, vous êtes plus susceptibles de vous comporter de cette manière à l'extérieur de la famille.»

Chose certaine, dit-elle, les relations entre les différents frères et soeurs d'une même famille tendent à se ressembler (en terme de niveau d'hostilité ou de chaleur). Ces ressemblances peuvent aussi être favorisées par des gènes communs ou par l'attitude du père, qui n'a pas été étudiée. Bref, par le partage d'un même bagage et d'une même expérience.

Au sein d'une même famille, les variations sont souvent dues aux caractéristiques individuelles des enfants. L'étude, qui se base sur des données recueillies à deux ans d'intervalle, révèle par exemple que plus les enfants vieillissent, moins leurs relations tendaient à être hostiles. (Même si les relations qui l'étaient au départ étaient plus susceptibles de l'être deux ans plus tard.)

Autre constat: chez les familles étudiées, les relations entre deux soeurs étaient les plus tendues de toutes. Les relations frère-soeur étaient les plus harmonieuses, tandis que les relations entre deux frères se situaient entre les deux.

L'étude se base sur la situation de 118 familles ayant au total 301 enfants, dont 155 ont pu répondre eux-mêmes aux questionnaires.