La municipalité de Saint-Cyprien-de-Napierville a fait preuve de «mauvaise foi» en imposant des conditions «onéreuses et inutiles» à un producteur agricole qui voulait construire une porcherie.

C'est ce qu'a conclu la Cour d'appel dans un jugement où elle se penche pour la première fois sur les nouveaux pouvoirs accordés en 2004 aux municipalités dans le cas de projets de porcherie.

Ces modifications à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme (LAU) ont fait suite à un moratoire de deux ans sur les projets de porcherie et un rapport du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) sur l'industrie porcine.

Hier, la municipalité a affirmé à La Presse qu'elle allait se conformer au jugement et remettre son permis à l'agriculteur Jean-Charles Landry.

Elle n'était toutefois pas en mesure de répondre aux autres questions de La Presse, entre autres sur les coûts du processus judiciaire pour la municipalité de 1300 habitants.

L'équipe du maire actuel, André Tremblay, a été élue en 2005 après avoir promis de s'opposer par tous les moyens aux projets de porcherie. À cette époque, ces projets suscitaient la controverse dans toute la vallée du Richelieu.

Dans le cas du projet de M. Landry, la Ville a posé trois conditions pour lui remettre son permis, conditions qui ont été annulées par la Cour supérieure en décembre 2009. La Cour d'appel confirme cette décision.

«La preuve révèle que ces trois conditions étaient soit inutiles, soit contre-indiquées, voire néfastes pour les résidences que l'on voulait protéger, ou encore que leur coût était sans aucune mesure avec le bénéfice recherché et à terme rendait le projet prohibitif», affirme la Cour d'appel dans son jugement publié lundi.

Le plus haut tribunal québécois reprend entre autres les conclusions de la Cour supérieure selon lesquelles «la municipalité avait exercé sa discrétion à des fins non prévues à la loi, de mauvaise foi, de manière arbitraire et déraisonnable».

Les modifications de 2004 ont soumis les projets de porcherie à une séance d'information publique et permis à une municipalité de poser jusqu'à cinq conditions aux projets, pour contrer les odeurs et réduire la consommation d'eau.

Selon Me Stéphane Forest, avocat à l'Union des producteurs agricoles (UPA), qui a conseillé M. Landry dans ce dossier, il s'agit d'un jugement «important». «La Cour d'appel confirme que le pouvoir discrétionnaire d'une municipalité est restreint», dit-il.

Dans le cas de Saint-Cyprien-de-Napierville, les tribunaux ont jugé que la Ville n'avait pas à exiger le recouvrement du réservoir de lisier ou à demander l'expertise d'un ingénieur forestier au sujet de l'efficacité d'un bois à réduire les odeurs. Ils ont aussi estimé inutile la plantation d'une haie brise-odeurs dans ce cas précis. C'est justement ce manque de pouvoir qui cloche, selon Bernard Généreux, président de la Fédération québécoise des municipalités.

«La marge de manoeuvre municipale est faible, dit-il. Elle se limite à adopter des mesures de mitigation et à tenir une consultation qui n'en est pas une, en réalité, parce qu'au moment où elle a lieu, le projet est déjà autorisé par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.»

«C'est un changement qu'on demande dans la réforme de la LAU, mais rien n'indique que cela va changer», dit M. Généreux.

Selon Me Mario St-Pierre, avocat de M. Landry, «il y a toujours un projet et l'intention est toujours de le réaliser tel qu'autorisé».

La conclusion sur la mauvaise foi de la Ville ouvre-t-elle la porte à une poursuite en dommages contre la municipalité? «C'est sûr que la question se pose, dit Me St-Pierre. Il y aura une réflexion à ce sujet.»