Deux dirigeants de firmes comptables embauchées par la Ville de Laval pour vérifier ses comptes en toute indépendance ont aussi été nommés patrons d'honneurs 2011 au sein de la fondation de la famille du maire Gilles Vaillancourt.

Il s'agit des associés directeurs André Bannon, de Samson Bélair/Deloitte & Touche, et de Gaétan Desforges, du bureau de Laval de Raymond Chabot Grant Thornton.

Rappelons que Samson Bélair/Deloitte & Touche est chargée de la vérification externe des états financiers annuels de Laval en vertu de la Loi sur les cités et villes. Le 16 juin 2011, Laval lui a accordé un contrat de 756 462 $ pour un «mandat portant sur l'audit des états financiers» de 2011 à 2013 inclusivement. Un autre membre de cette firme, Daniel Cyr, CA, est aussi le trésorier de la fondation Marcel Vaillancourt pour l'enfance lavalloise.

Quant à Raymond Chabot Grant Thornton, le mandat consistait à assister le bureau du vérificateur général de Laval «dans la vérification des états financiers [...] pour l'exercice se terminant le 31 décembre 2010» et pour sa vérification interne.

On trouve le nom de M. Desforges, un proche du maire, en tant que Grand Citoyen du Mondial choral de Laval et parmi les donateurs de la Fondation lavalloise des lettres. De plus, la firme concurrente Deloitte est partenaire de cette fondation.

L'article 36.12 du code de déontologie de l'Ordre des comptables agréés du Québec stipule que le «membre ne doit pas se placer en situation où il y a conflit entre son intérêt personnel ou l'intérêt de sa société au sein de laquelle il exerce sa profession et celui de son client ou des clients de la société ou en donner l'apparence».

Pour David De Cotis, du Mouvement lavallois, il y a au moins «apparence de conflit d'intérêts, même si le maire Vaillancourt va dire le contraire en arguant que la Fondation Marcel Vaillancourt n'a aucun but politique. Mais la Ville de Laval est connue pour ses conflits d'intérêts». Selon lui, André Bannon et Gaétan Desforges n'auraient jamais dû accepter ces nominations.

M. Desforges, qui dit «connaître bien» Gilles Vaillancourt, ne voit «pas du tout» de problème de conflit d'intérêts. Il dit conserver une étanchéité entre sa vie professionnelle et ce genre d'activité: «C'est à mille lieues de mes pensées. Je fais ça depuis plusieurs années pour aider la société. Il s'agit de vendre des billets pour le souper de homards de la fondation. Je suis très loin de la vérification, ce sont des employés de Montréal, je crois.»

André Bannon n'a pas rappelé La Presse. Sa firme, Deloitte, a indiqué dans un courriel à La Presse agir «toujours en conformité avec les normes de déontologie reconnues» et «faire preuve de transparence» dans ses «engagements».

À la Ville de Laval, on dit faire affaire avec des «firmes reconnues», «et non des individus». «Elles sont régies par un code de déontologie relevant d'un ordre professionnel qui répond de la qualité de la pratique professionnelle [...]. Ce n'est pas à la Ville de le faire», conclut Benoît Colette, porte-parole.

«Un club privé»

La Fondation Marcel Vaillancourt, du nom du père de Gilles Vaillancourt, rassemble les dirigeants des firmes qui ont des liens d'affaires étroits avec Laval. Elle est présidée par le patron de la firme de génie-conseil Cima +, Kazimir Olechnowics. On note aussi la présence de Giuseppe «Joe» Borsellino (Groupe Petra), de Robert Bibeau, de la firme Shockbeton (Benoît Fradet, conseiller municipal à Laval, est un des VP de cette firme), Gilles Laporte (firme d'avocats Dunton Rainville) ou encore Jean-Pierre Sauriol (Dessau). Plusieurs membres de la famille de Gilles Vaillancourt figurent parmi les administrateurs.

«Cette fondation ressemble à un club privé réservé à des joueurs qui ont beaucoup d'argent et qui obtiennent des contrats à Laval», estime David De Cotis.

La Ville de Laval vient aussi de perdre sa nouvelle vérificatrice. Cette dernière a démissionné alors qu'elle n'était même pas encore entrée en fonction. L'ancienne vérificatrice, Martine Lachambre, vient d'être promue DG adjointe.

Un ex-haut fonctionnaire de la Ville interrogé par La Presse se souvient que, dans les couloirs de l'hôtel de ville, on aimait dire avec humour que le service de vérification interne de la Ville était là «pour épousseter et non réellement faire le ménage» dans les comptes de l'administration.