De 2000 à 2010, le nombre d'autochtones incarcérés dans un établissement fédéral a augmenté de 28,1%, et l'«on s'attend à ce que l'explosion démographique autochtone actuelle entraîne une hausse supplémentaire du nombre de délinquants autochtones», peut-on lire dans un document de Sécurité publique Canada. Ces données, qui s'ajoutent à des tragédies récentes dans les communautés indiennes, illustrent bien l'urgence de s'attaquer à la violence qui règne dans les réserves et d'y affecter des policiers, de l'aveu même des chefs.

Obtenu grâce à la Loi sur l'accès à l'information, le document, intitulé Évaluation des initiatives de l'approche correctionnelle judicieuse, note que la proportion d'autochtones incarcérés au pays atteint des taux endémiques dans certaines régions, notamment dans certains pénitenciers des Prairies, «où les peuples autochtones constituent plus de 60% de la population carcérale».

De façon générale, les autochtones, qui ne représentent que 3% de la population canadienne, comptent pour 17,9% du total des délinquants sous responsabilité fédérale.

Le rapport de Sécurité publique Canada fait ressortir l'importance de trouver des solutions de rechange à l'incarcération classique, et ce, pour des raisons tant de réhabilitation que de gestion des fonds publics.

Alors que, de façon générale, «le taux d'incarcération au Canada est plus élevé que dans la plupart des pays d'Europe occidentale», «le coût quotidien moyen d'incarcération des délinquants sous responsabilité fédérale est passé de 241$ en 2004-2005 à 300$ en 2008-2009».

Autrement dit, un prisonnier coûte très cher, beaucoup plus que «le maintien d'un délinquant dans sa collectivité»: 29 476$ pour celui qui demeure dans la communauté, par rapport à 109 699$ pour celui qui se trouve derrière les barreaux.

«Il faut donc continuer de mettre l'accent sur la sécurité publique tout en contenant la croissance de la population carcérale sous responsabilité fédérale», peut-on encore lire.

C'est d'autant plus vrai que ce n'est pas qu'une question de gros sous, mais de réhabilitation, particulièrement quand il s'agit d'autochtones. «Les travaux de recherche sur les collectivités autochtones ont indiqué que les facteurs qui contribuent le plus à la réussite du délinquant à sa sortie de prison étaient sa participation à des activités spirituelles et culturelles ainsi qu'à des programmes thérapeutiques [...] et le soutien reçu de la part de sa famille et de sa collectivité», dit le document.

Le rapport fédéral insiste sur le fait que le baby-boom chez les autochtones, qui ne se dément pas, contribue à hausser leur taux d'incarcération puisque ce sont les jeunes qui se retrouvent le plus souvent en prison.

Un lien avec la pauvreté

Ghislain Picard, président de l'Assemblée des premières nations pour le Québec, relève pour sa part à quel point la violence est étroitement liée à la pauvreté, laquelle est criante chez les peuples autochtones.

Plusieurs cas de violence sont vite médiatisés. Celui d'un enfant de 5 ans, mort lundi dans son lit d'une balle perdue, dans la communauté crie de Samson, en Alberta, a semé la consternation, au moment même où s'ouvrait hier l'assemblée annuelle des premières nations, à Moncton.

«Une nouvelle aussi tragique nous rappelle à quel point nous avons du pain sur la planche au cours des trois prochains jours, a dit hier Shawn Atleo, président de l'Assemblée des premières nations pour l'ensemble du pays. Nous devons faire montre de leadership et avoir le courage de dire: "Plus jamais."»

Les chefs indiens ne peuvent rester insensibles à cette violence. L'enfant tué lundi était le petit-fils du chef de Samson. Ghislain Picard rappelle quant à lui qu'il y a une dizaine de jours, dans sa communauté de Pessamit, une bagarre a coûté la vie à une jeune fille de 17 ans.

Et c'est sans compter la violence au quotidien, qui passe souvent sous le radar des médias nationaux parce qu'elle se produit loin des grands centres. Selon Ghislain Picard, la violence qui règne dans les communautés autochtones démontre l'urgence d'y affecter des policiers.

Hier, à Moncton, la nécessaire autodétermination des peuples autochtones - ou, à tout le moins, l'obtention d'une plus grande autonomie - a surtout retenu l'attention, mais Ghislain Picard s'attend à ce que l'on parle tout autant de sécurité publique, de santé et d'éducation dans les prochains jours.

«Pour la première fois depuis qu'il est élu, a signalé M. Picard, Stephen Harper a manifesté le désir d'organiser sous peu une rencontre au sommet avec les chefs autochtones. Dans les prochains jours, nous chercherons à établir nos priorités pour la rencontre à venir afin d'éviter que cela nous soit dicté par Ottawa.»

-  Avec William Leclerc