L'ex-président du conseil de Montréal Claude Dauphin devrait entamer un recours juridique contre la Ville de Montréal, estime le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard.

«S'il y a un problème, si Claude Dauphin se sent lésé, il a des recours...» a indiqué le ministre Lessard, clairement favorable à cette éventualité. Hier, en marge de la houleuse réunion du conseil qui visait à le destituer, M. Dauphin a souligné qu'il avait consulté des avocats et qu'il n'écartait pas des poursuites à l'endroit de l'administration.

Il serait en terrain solide, si on en croit le ministre Lessard. «La confidentialité des communications des élus est un principe de base en démocratie et doit être respectée», a indiqué le ministre à l'Assemblée nationale. Plus tôt, à l'entrée du caucus des députés libéraux, il avait sans détour soutenu que «l'ouverture des courriels était un acte illégal».

«Chaque élu a droit à la confidentialité de ses courriels, c'est un droit. Et si on contrevient à ça, c'est nécessairement un acte illégal», a-t-il ajouté par la suite à La Presse. Dans une lettre, fin mars, le maire Tremblay l'avait pourtant assuré que «tout le monde était à l'abri de ces vérifications en ce qui concerne les élus», a souligné le ministre.

Pour le ministre Lessard, depuis le 22 mars, Montréal a en main sa demande pour obtenir ses conclusions sur le contenu des courriels ouverts. À compter de ce moment, la Ville doit mettre en place des «mécanismes (pour éviter que cela ne se reproduise). Il y a des gestes à faire, cela se passe à l'hôtel de ville», a-t-il dit.

Répercussions jusqu'à Québec

Le tsunami politique qui s'est abattu sur le conseil de Montréal a eu des répercussions jusqu'à l'Assemblée nationale. Pour la chef péquiste Pauline Marois, la métropole du Québec traverse une crise très grave, et le gouvernement devrait immédiatement enclencher l'enquête publique que réclamait la Ville il y a 16 mois, a-t-elle estimé. Montréal «traverse une crise sans précédent, une crise de confiance de gouvernance qui ne peut perdurer».

Or, l'administration Tremblay avait l'an dernier exhorté Québec à déclencher l'enquête publique sur la construction, «c'était un véritable appel à l'aide, au secours!» a soutenu la chef péquiste.

«Cela prend une commission indépendante à Montréal. Une commission d'enquête permettrait de faire la lumière, d'assainir le climat, à Montréal, mais aussi à Terrebonne, Mascouche et Saint-Jérôme. Combien de crises municipales vous faut-il encore?» a soutenu Mme Marois.

Pour l'adéquiste Sylvie Roy, la lecture de La Presse hier matin laissait tout le monde stupéfait: «On pense à un scénario des Sopranos, a-t-elle lancé. Cela fait deux ans qu'on assiste à un feuilleton qui dégoûte les Québécois!» a-t-elle avancé, soutenant que Québec se trouvait devant un «Montréalgate» similaire au Watergate qui avait forcé la démission de Richard Nixon, au début des années 70.

L'avocate de Lotbinière est catégorique: l'ouverture des courriels est «un acte criminel». «Ça va prendre quoi pour mettre Montréal en tutelle... il n'en manque pas gros», a-t-elle lancé.

En Chambre, le premier ministre Charest voulait clairement garder ses distances. Il a répété les précisions faites plus tôt par son ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard. «Le gouvernement a déjà fait des interventions auprès de la Ville suite à des allégations à l'effet qu'il y avait eu un contrôle des courriels. La question est de savoir si le ministère des Affaires municipales avait autorisé... La réponse est non», a soutenu M. Charest.

Robert Dutil a aussi rappelé qu'un mandat était normalement nécessaire pour ouvrir ces courriels. Or, à sa connaissance, jamais un tel mandat n'avait été accordé. Il souligne aussi que jamais la Sûreté du Québec ne précise si elle fait ou non une enquête - et ne peut par conséquent tirer de conclusions sur les vérifications qui ont pu être faites sur l'ancien directeur de la police de Montréal, Yvan Delorme.

Le député péquiste de Verchères, Stéphane Bergeron, a relevé les révélations de La Presse sur l'enquête menée sur l'ex-directeur de la police de Montréal, Yvan Delorme, qui a pris sa retraite à 47 ans, quelques semaines après avoir négocié et signé un nouveau contrat.

Il entretenait des liens avec Luigi Corretti, le patron de BCIA, a rappelé M. Bergeron. Nommé par le Conseil des ministres le 31 mars 2010, a démissionné deux semaines plus tard, presque au même moment que l'ex-ministre Tony Tomassi, lui aussi éclaboussé par les problèmes de BCIA, a relevé M. Bergeron.

Selon Robert Dutil, les chefs de police de Montréal sont nommés par le Conseil des ministres, mais après la tenue d'un concours encadré par la Ville de Montréal. «Ils font un tri exhaustif des candidatures, avant que les candidats soient soumis au Conseil des ministres, la vérification a été faite pour que ce soit conforme à toutes nos normes», a-t-il expliqué.