Québec, capitale de la droite? Le mythe ne colle pas, selon un sondage Segma-Le Soleil. Même si les gens de Québec sont un peu plus à droite qu'ils veulent bien l'admettre, ils ne sont pas différents du reste de la province.

La capitale a bien de la difficulté à se départir de cette caricature qui lui colle à la peau depuis l'élection des députés conservateurs, en 2006, suivie de la vague adéquiste de 2007. Encore à l'automne, c'est dans la ville de Régis Labeaume que le Réseau Liberté-Québec a choisi de lancer son mouvement, alimentant la perception que la capitale est résolument à droite. Les experts ont d'ailleurs analysé sous

toutes ses coutures le «mystère Québec» et tenté tant bien que mal de décrypter l'ADN politique de la capitale.

Mais selon les résultats d'un sondage réalisé au début du mois de décembre auprès de 425 personnes de la région, «les gens de Québec ne sont pas plus à droite que le reste de la province, contrairement aux clichés répandus», affirme Raynald Harvey, président de Segma Recherche.

Pour réaliser ce coup de sonde téléphonique, dont la marge d'erreur est de 4,7 points de pourcentage, la firme Segma a utilisé exactement les mêmes questions qu'un sondage panquébécois publié dans le quotidien Le Devoir en novembre. Cet exercice permet d'apprendre que les gens de Québec se considèrent comme plus à droite... mais aussi plus à gauche que dans le reste de la province!

Ainsi, 20% des gens de la capitale se considèrent à gauche, comparativement à 14% pour l'ensemble du Québec. De plus, 17% se situent à droite (9% dans la province) et 64% se placent au centre, une proportion qui atteint 78% dans le sondage panquébécois.

Le «mystère Québec»

«Le "mystère Québec" n'est pas si opaque que ça ! lance le politologue Raymond Hudon, de l'Université Laval. Ce sondage remet les pendules à l'heure et oblige à adopter une attitude moins stéréotypée envers les gens de Québec», dit-il.

Lorsqu'on les interroge sur des affirmations typiques qui permettent de les situer sur l'échiquier politique, les résidants de la capitale ont toutefois «le coeur au centre et le porte-monnaie à droite», illustre M. Harvey.

Au sujet de la stratégie à adopter pour améliorer la situation au Québec, 37% des répondants pensent qu'il faut «chercher le meilleur équilibre possible entre la répartition de la richesse par l'État et la création de la richesse par les entreprises», 31% préfèrent «renforcer les programmes sociaux pour réduire l'écart entre les riches et les pauvres», alors que 30% pensent qu'on devrait «donner plus de liberté aux entreprises privées pour qu'elles puissent créer plus de richesse».

Toutefois, à propos de l'intervention gouvernementale, 46% des répondants pensent qu'on devrait «maintenir le rôle de l'État et les impôts à leur niveau actuel», 44% estiment qu'il faudrait plutôt «diminuer à la fois le rôle de l'État et les impôts» et seulement 7% pensent qu'on devrait «renforcer le rôle actuel de l'État quitte à augmenter les impôts».

En comparant ces réponses à celles du sondage pan-québécois, Raynald Harvey conclut encore une fois que la capitale n'est pas plus à droite que l'ensemble de la province.

La politologue Louise Quesnel abonde dans son sens: «Le portrait de la région de la capitale n'est pas tranché. Si on tient compte de la marge d'erreur (4,7 points), on voit que la population de Québec veut préserver le statu quo. Il y a plusieurs contradictions dans ce sondage, mais on ne peut pas dire que Québec est une région conservatrice.»

Perception erronée?

Les gens de la capitale sont toutefois un peu plus à droite qu'ils veulent bien l'admettre au départ, souligne Thierry Giasson, professeur en communication politique à l'Université Laval: «Les gens sont prudents parce qu'ils ne veulent pas déplaire. Il y a encore quelque chose de péjoratif à être associé à la droite. Pourtant, à Québec, les politiciens sont de droite et le discours public et médiatique est quand même à droite. On parle beaucoup de redditions de comptes, peu de transports en commun, on veut moins d'intervention de l'État...»

M. Giasson fait ici allusion à certaines radios privées de Québec qui alimentent quotidiennement ce discours. Or, les personnes sondées accordent un appui tout relatif à certaines affirmations véhiculées dans les médias de la capitale.

Ainsi, 55% sont d'accord avec l'affirmation voulant que «la clique du Plateau-Mont-Royal contrôle les médias montréalais», 41% estiment que «les artistes québécois qui prennent position publiquement dans toutes sortes de causes ne sont que des BS de luxe» et 54% croient que «l'école et la société québécoise en général pratiquent le nivellement par le bas en s'occupant d'abord des moins bons et en laissant les plus performants à eux-mêmes».

L'affirmation qui obtient la plus forte adhésion, avec 58%, est celle selon laquelle «ce sont les fonctionnaires qui exercent le véritable pouvoir en contrôlant la machine gouvernementale».

«Ce n'est pas très convaincant. Ça n'indique rien vraiment, le consensus n'est pas très fort» compte tenu de la marge d'erreur, affirme Thierry Giasson. De son côté, Raymond Hudon se dit surpris par ces réponses. «Je me serais attendu à ce que l'appui soit plus fort. Les gens sont plus nuancés, en réalité.»