Après la Caisse de dépôt, voilà que le Mouvement Desjardins demande aussi à Tony Accurso le remboursement d'un prêt de 21 millions de dollars accordé à l'une de ses entreprises, a appris La Presse.



Le prêt a été accordé en 1999 et est toujours en vigueur. «On a entrepris depuis un certain moment un processus pour être remboursé. On estime pouvoir clore ce dossier dans un avenir rapproché, soit d'ici quelques semaines», a indiqué André Chapleau, porte-parole du Mouvement.



M. Chapleau n'a pas précisé de quelle entreprise de M. Accurso il s'agissait. Il a simplement dit que ce n'était pas Simard-Beaudry ni Construction Louisbourg, qui viennent de plaider coupable à des accusations de fraude fiscale. Le porte-parole du Mouvement Desjardins a indiqué que la demande de remboursement ne concernait pas un prêt hypothécaire, sans toutefois donner plus de précisions.

Vendredi, la Caisse de dépôt et placement du Québec avait indiqué à La Presse avoir exigé le remboursement de son prêt hypothécaire sur les Galeries Laval, propriété d'une entreprise de M. Accurso. Le prêt de 5 millions vient à échéance le 1er février, dans un mois et demi.

Outre les critères financiers, la Caisse a précisé que le facteur «réputation» a été pris en compte dans la décision de ne pas renouveler le prêt.

Desjardins est la troisième institution qui cherche à ravoir son argent. Le Fonds de solidarité FTQ a un prêt non garanti de 35 millions avec des entreprises de Tony Accurso. Depuis 18 mois, l'institution s'est fait rembourser près de 9 millions.

Desjardins, le Fonds FTQ et la Caisse de dépôt réclament donc 61 millions de dollars au total. Le prêt du Mouvement Desjardins, précisons-le, est cautionné par le Fonds FTQ, qui lui-même a une garantie sur les Galeries Laval.

Contrat en suspens

L'affaire Accurso a également fait réfléchir la Ville de Laval. La semaine dernière, la municipalité a mis sur la glace un contrat de 32 millions visant la réfection de la station d'eau potable de Chomedey. Le geste de la Ville s'explique par la possibilité que la licence de Louisbourg soit suspendue, tel qu'annoncé par la ministre du Travail, Lise Thériault. Le dossier est entre les mains du service des affaires juridiques de la Ville.

Le député péquiste Sylvain Simard s'interroge maintenant sur le choix du gouvernement d'octroyer d'énormes contrats à Simard-Beaudry et Louisbourg depuis un an et demi alors que tous savaient que ces entreprises faisaient l'objet d'une enquête pour fraude fiscale.

«Le gouvernement n'aurait pas dû continuer à accorder des contrats à une entreprise dont il savait qu'il y avait de fortes chances qu'elle soit reconnue coupable. La prudence la plus élémentaire aurait été de faire preuve de réserve», dit M. Simard, qui est président de la Commission parlementaire sur l'administration publique.

Depuis juin 2009, le ministère des Transports du Québec a accordé des contrats d'une valeur de 266 millions de dollars aux entreprises de M. Accurso. Hydro-Québec, pour sa part, a signé des contrats de 135 millions pour le barrage La Romaine, sur la Côte-Nord.

Selon nos informations, Louisbourg est maintenant sur les rangs pour un autre contrat avec Hydro-Québec, dont la valeur pourrait atteindre 250 millions.

Fraude en deux volets

La fraude fiscale perpétrée par Simard-Beaudry et Louisbourg entre 2003 et 2008 comporte deux volets. Le premier concerne la déduction de dépenses non admissibles (10,3 millions), comme celles liées au Touch, un luxueux yacht. Le deuxième porte sur l'utilisation de fausses factures (8,6 millions) pour réduire les profits imposables.

Selon l'enquête de Revenu Canada, ces fausses factures ont été produites par une dizaine d'entreprises d'un peu partout au Québec. Dans un tel stratagème, des entreprises comme celles de Tony Accurso reçoivent de l'argent comptant en échange de chèques, explique Revenu Canada. L'argent est utilisé pour payer des travailleurs au noir ou pour les fins personnelles de l'administrateur.

Louisbourg et Simard-Beaudry ont été condamnées à verser une amende de 4,1 millions de dollars, plus l'impôt éludé de 4,1 millions. Ces deux entreprises regroupent environ 2500 employés et avaient un chiffre d'affaires combiné de quelque 250 millions en 2008. Tony Accurso n'avait pas rappelé au moment de mettre sous presse.