La Sûreté du Québec (SQ) met fin à son contrat avec la controversée firme Sécur-Action qui garde son quartier général ainsi que l'édifice de l'escouade Marteau.

La nouvelle a été annoncée en fin de journée hier, dans un communiqué laconique.

«Comme l'a indiqué la semaine dernière son directeur général, peut-on lire, la Sûreté du Québec a révisé l'ensemble de la situation et des clauses du contrat la liant à l'agence de sécurité Sécur-Action. Les vérifications débutées depuis déjà quelques jours et des informations additionnelles récemment obtenues l'amènent à résilier ses liens contractuels avec ladite agence. Cette résiliation prendra effet le 26 novembre 2010.»

L'histoire a commencé au début du mois lorsque La Presse a révélé que la firme dirigée par Éric Beaupré allait se voir attribuer, à la suite d'un appel d'offres, le contrat de surveillance du quartier général de la police de Montréal. Un contrat de 874 802$ pour un an. Sécur-Action avait été choisie au printemps dernier par l'ex-chef de police de Montréal Yvan Delorme pour remplacer en catastrophe la firme BCIA, en faillite. Faute de contrat en bonne et due forme, Sécur-Action fonctionnait depuis par bon de commande.

Dans la foulée, au cours des derniers jours, le maire de Montréal a diligenté une enquête pour en savoir plus sur cette firme existant depuis 10 ans, mais rachetée en novembre 2009 par Éric Beaupré. L'homme possédait déjà deux autres agences, Strict et Serca. Selon nos sources, ce sont en fait deux enquêtes de haut niveau qui se sont enclenchées en parallèle. L'une par la Ville, l'autre par la division des affaires internes du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). En quelques jours, la police de Montréal a bouclé son dossier. Rien n'a filtré de son contenu, mais le résultat a été assez probant pour convaincre le maire et le SPVM de chasser Sécur-Action de leurs locaux à compter du 30 septembre prochain.

En entrevue à The Gazette, le nouveau directeur du SPVM, Marc Parent, avait clairement indiqué que «c'est l'entreprise» qui posait problème et non ses employés.

Joint par La Presse, Éric Beaupré avait plaidé sa bonne foi. Il soutenait avoir la conscience tranquille et jurait que c'était lui qui s'était «retiré» du dossier. Selon lui, c'était plutôt le fait que ses employés n'étaient pas syndiqués qui était une des clés du problème.

Il assurait aussi ne pas avoir d'employés ou de partenaires qui auraient pu être jugés encombrants ou douteux par la police.

Odette Côté, porte-parole de la firme, avait même rappelé La Presse peu après pour certifier qu'elle avait appris «de source officielle que leur dossier était vierge». Ils n'avaient rien à craindre, leur aurait même soufflé cette source qu'elle n'a pas voulu identifier.

Il n'empêche, dès le lendemain, placé dans une situation embarrassante, le directeur général de la SQ, Richard Deschênes, a donc confié à ses limiers le cas de Sécur-Action. Comment expliquer en effet que la sécurité du QG de la SQ, rue Parthenais, et de l'escouade Marteau non loin de là puisse être encore confiée à une entreprise bannie par le SPVM pour des motifs apparemment sérieux?

Une semaine après, le couperet est tombé sur Sécur-Action.

D'autres contrats en jeu?

La firme domiciliée à Anjou risque de connaître d'autres déconvenues en cascade puisque la signature d'un autre contrat majeur était suspendue en attendant la décision de la SQ. Il s'agit de la surveillance du palais de justice de Montréal et du centre judiciaire Gouin, où sont jugées les affaires liées au crime organisé et aux gangs de rue. Selon ce qu'a révélé La Presse au cours des derniers jours, les agents de Sécur-Action sont en poste à ces deux endroits depuis le 16 août. Total du contrat: 1 423 200$ pour 75 000 heures de travail de 12 à 20 agents.

Idem avec un contrat de 186 971$ à Québec, pour la surveillance du poste de police de Limoilou, qui est gelé lui aussi. «Sécur-Action a en effet remporté l'appel d'offres, avait indiqué Jacques Perron, porte-parole de la Ville. Mais le contrat n'a toujours pas été signé. Les différents services de la Ville procèdent à des vérifications sur les actionnaires et le personnel, et nous verrons plus tard si nous poursuivrons le processus.»

Sécur-Action assure aussi, depuis le 1er septembre, la sécurité dans les rues d'Outremont, où réside le maire Gérald Tremblay. Mais l'arrondissement a indiqué dans les derniers jours qu'il ne disposait pas d'éléments pouvant justifier une résiliation avant terme (contrat de 523 069$).

Dans tous les cas, Sécur-Action a remporté les appels d'offres au cours des derniers mois en soumissionnant toujours à des tarifs horaires jugés trop bas pour qu'elle puisse assumer ses frais et faire un minimum de profit, selon des sources consultées par La Presse.

En moins de deux semaines, ce sont donc des contrats de près de 3 millions au total qui se sont envolés ou sont menacés.