Les fraudes par vol d'identité ont explosé l'an dernier au Canada. La valeur de ces fraudes, commises par l'entremise d'une carte de crédit ou de débit, a augmenté de 65% selon un rapport de la GRC au ministre de la Sécurité publique du Canada obtenu par La Presse Affaires en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Selon les données de la GRC - plus précisément du Centre d'appels antifraude du Canada (CAAFC), situé en Ontario -, le nombre de plaintes pour fraude par vol d'identité est passé de 10 327 à 11 091 entre 2007 et 2008, une hausse de 7,4%. Durant la même période, les sommes en jeu ont explosé de 65%, passant de 6,4 à 10,6 millions de dollars.Comme le CAAFC estime que seulement 5% des cas sont rapportés, la fraude par vol d'identité totaliserait au moins 212 millions selon ses calculs. Pour les six premiers mois de 2009, le nombre de plaintes du CAAFC a augmenté de 21%, mais les sommes impliquées sont restées sensiblement les mêmes.

Selon la Gendarmerie royale du Canada (GRC), les fraudes par carte de crédit et de débit, qui incluent les fraudes par vol d'identité, coûtent 1 million par jour aux Canadiens, soit 365 millions par année. Ce montant comprend à la fois les fraudes par vol d'identité, les fraudes des titulaires de cartes et les vols physiques de cartes.

L'Association des banquiers canadiens (ABC) évalue quant à elle le total des fraudes à 512,2 millions (407 millions sur les cartes de crédit et 104,5 millions sur les cartes de débit) l'an dernier. Il s'agit des sommes remboursées par les institutions financières à leurs clients. Selon l'ABC, les fraudes sur les cartes de crédit sont en hausse de 34% par rapport à 2007. Celles sur les cartes de débit ont reculé de 2% durant la même période.

Une modification au Code criminel créant des nouvelles infractions sur le vol d'identité est entrée en vigueur la semaine dernière. «Auparavant, les policiers disaient qu'il était parfois difficile de relier un voleur d'identité à une infraction. Ces nouvelles infractions sont plus spécifiques et faciliteront le travail des policiers», dit Peter Van Loan, ministre de la Sécurité publique du Canada, en entrevue à La Presse Affaires.

Selon le CAAFC, la fraude d'identité sur l'internet a augmenté de 40% en 2007 et de nouveau de 48% en 2008. «La fraude sur internet est un phénomène en expansion. Les gens prennent des risques lorsqu'ils font affaire sur des sites web qu'ils ne connaissent pas», dit le caporal Louis Robertson, responsable des renseignements criminels du CAAFC, un organisme créé en 1993 composé à la fois de la GRC, la Police provinciale de l'Ontario et le Bureau de la concurrence.

La carte à puce comme solution?

Selon les données du CAAFC, la valeur des fraudes par vol d'identité s'est stabilisée durant les six premiers mois de 2009. Une hypothèse: les fraudeurs ont du fil à retordre avec les nouvelles cartes de crédit à puce, déployées dans les institutions financières à partir de la deuxième moitié de l'année 2008. «Jusqu'à présent, la puce est impossible à cloner», dit Hélène Lavoie, porte-parole du Mouvement Desjardins, qui dotera tous ses clients d'une carte de crédit à puce d'ici la fin de l'année 2010.

D'autres acteurs du milieu financier doutent que l'arrivée des cartes à puce enraye complètement les fraudes par carte de crédit. «Comme la carte à puce n'a pas encore été adoptée en Europe, certaines cartes ont encore une bande magnétique qui peut être clonée», dit Jean Hébert, directeur québécois de l'Association des banquiers canadiens.

Une réserve que partage le ministre de la Sécurité publique du Canada. «La technologie s'améliore, mais les criminels deviennent aussi plus sophistiqués, dit Peter Van Loan. Avec l'internet, c'est devenu plus facile de frauder, d'entrer dans des bases de données.»

Le gouvernement Harper soutient avoir augmenté les effectifs policiers afin d'enquêter sur les fraudes. «Nous avons débloqué des fonds pour engager 1500 policiers de plus à la GRC et nous avons octroyé 400 millions (sur cinq ans) aux provinces pour leur recrutement», dit le ministre Van Loan, responsable de la GRC.

Le document fédéral obtenu par La Presse Affaires indique toutefois que le financement du Centre d'appels antifraude du Canada, qui compte 18 employés, est déficient. «Nous devrions avoir le double d'employés pour répondre à la demande. On ne répond qu'à 40% de nos appels», dit le caporal Louis Robertson.

VISA n'a pas voulu commenter les chiffres obtenus par La Presse Affaires par l'entremise de la Loi sur l'accès à l'information. La Sûreté du Québec n'a pas été en mesure de nous fournir ses données sur l'évolution des fraudes par carte de crédit et de débit au Québec.

- Avec la collaboration de William Leclerc

LES FRAUDES PAR CARTE DE CRÉDIT ET DE DÉBIT AU CANADA

212 millions Montant des fraudes par année

"65% Hausse du montant des fraudes en 2008

"21% Hausse du nombre de plaintes durant

Sources : GRC, Loi sur l'accès à l'information les six premiers mois de 2009