Impossible de savoir, en entrant au bureau du conseiller municipal Rob Jellett, que la dame qui nous accueille a elle-même été conseillère dans sa province natale, la Nouvelle-Écosse.

Impossible de savoir, aussi, que derrière l'accent franchement acadien de Marilyn Comeau se cachent des décennies de militantisme pour la sauvegarde de la culture acadienne et pour l'établissement d'écoles françaises en Nouvelle-Écosse.

C'est en 1975, année internationale de la femme qu'elle soutient «pris conscience» de son identité de femme minoritaire. «Nous étions des sous-citoyennes, les Acadiennes de la Nouvelle-Écosse. On nous répétait que si on voulait faire avancer les choses, il fallait prendre le pouvoir. C'est ce que j'ai fait, en devenant conseillère à Baie Sainte-Marie, en 1979.»

L'éducation avant tout

Son cheval de bataille: l'éducation en français. Elle devient l'une des premières femmes à militer en faveur de la création d'écoles de langue française.

«Vu que j'étais une élue, j'avais un accès beaucoup plus direct au ministère de l'Éducation. On a fait valoir nos positions. Pour moi, c'était absolument nécessaire d'obtenir des écoles, qui nous éduquaient dans notre langue, bien sûr, mais qui nous apprenaient aussi à mieux nous connaître en tant qu'Acadiens.»

Pour sa persévérance, MmeComeau a été admise au sein de la Compagnie des Cent-Associés francophones (CCAF), un organisme dont la mission est de reconnaître le mérite de Canadiens qui ont oeuvré bénévolement et de façon exemplaire à la promotion de la francophonie canadienne.

MmeComeau a été éduquée chez les soeurs, à une époque où l'enseignement en français était «à peine toléré par le gouvernement». Mais ses enfants n'ont pas eu cette chance, la plupart d'entre eux ayant été éduqués dans des écoles anglaises.

En 1981, le gouvernement néo-écossais réforme sa Loi sur l'éducation, qui autorise les francophones à recevoir un enseignement dans leur langue dans des écoles acadiennes, là où le nombre le justifie. La partie n'est pas gagnée, toutefois. En 1988, le conseil scolaire de Cap-Breton bloque la création d'une école de langue française, citant notamment des impératifs financiers.

Outrés, les francophones se tournent vers les tribunaux, qui confirment que, conformément à l'article23 de la Charte canadienne des droits et libertés, les francophones de Nouvelle-Écosse ont le droit de faire instruire leurs enfants en français dans des établissements financés par le gouvernement provincial.

«Ma fille est née en 1975. C'est la seule de mes enfants qui a gradué de son secondaire avec un diplôme d'études secondaires d'une école acadienne», dit fièrement MmeComeau.

Un long chemin

De nos jours, la province compte environ 37000 francophones, soit environ 4% de sa population. La Loi sur les services en français, adoptée en 2004, est venue confirmer les progrès effectués par les Acadiens de la Nouvelle-Écosse. La Nouvelle-Écosse compte aujourd'hui 19 écoles francophones dispersées aux quatre coins de la province. Les jeunes Néo-Écossais peuvent aussi compter sur la présence de l'Université Sainte-Anne pour effectuer des études collégiales et universitaires en français.

Désormais établie à Ottawa, MmeComeau se dit «choyée d'habiter dans une communauté aussi bilingue».

«Même si l'Ontario n'est pas bilingue, je trouve formidable de voir tout ce qui est offert aux francophones, ici. La Nouvelle-Écosse ne sera jamais rendue là. C'est une chance qu'on ne doit pas prendre pour acquis.»